Les templiers
du Pélican, sous la haute main d’un état- major plus carnavalesque encore, à la tête duquel se trouvait le Très Sage Emmanuel, président.
Palaprat n’avait pas la modestie de ceux dont il prétendait descendre. Il se faisait appeler d’un titre ronflant et pompeux : Son Altesse Éminentissime Très Grand, Très Puissant et Très Excellent Prince, Seigneur Sérénissime, Sacré Père et Pontife, Très Saint Patriarche.
L’habit était fait de costumes et insignes dignes des anciens fous du roi. Le chevalier avait une ceinture de toile autour des reins, une chlamyde et un pallium de laine blanche avec la croix de l’ordre en laine rouge, des chausses de laine blanche avec jambières de cuir bordées de rouge. Sur la tête, un bonnet de laine blanche à fond rouge et orné d’une plume rouge ; autour du front, un bandeau de soie blanche frangé de rouge avec la croix de l’Ordre. À l’index de la main droite, l’anneau avec la croix de l’Ordre en brillants, portant à l’intérieur les noms de famille et de religion, et la date de la profession ; aux pieds, des éperons dorés ; au côté, un sabre de cavalerie à poignée d’argent et cruciforme, suspendu à un baudrier de soie verte.
La description de ce costume n’est rien à côté de celui du Grand Maître. Imbu du goût puéril du déguisement, les néo-templiers avaient perdu tout sens du ridicule.
Le costume du Grand Maître était de splendeur, moitié chef de harem, moitié empereur, avec quelques morceaux de prélat ecclésiastique. Vêtu, coiffé, chaussé, attifé comme un prince, il portait sur la tête la barrette des chevaliers sur laquelle avait été posée la couronne d’or, à l’annulaire de la main droite l’anneau magistral avec l’escarboucle. Le glaive, suspendu à un baudrier d’or, avait une poignée d’or. Autour du cou, les colliers décrits plus haut. Il portait la chlamyde et le pallium fourrés et bordés d’hermine. Il tenait dans sa main gauche la crosse patriarcale, au sommet de laquelle se trouvait le globe surmonté de la Croix de l’Ordre.
C’était la discrétion même. Grâce à la propagande à l’intérieur de l’empire, le néo-temple recruta et reçut d’énormes finances, si bien qu’en 1808, il fut assez riche pour louer une salle de réunion au 16 de la rue Notre-Dame des Victoires.
Cet orgueil démesuré fut châtié par le despotisme de Palaprat. Elu en 1804, à titre provisoire, il voulut non seulement conserver sa place, mais aussi exercer un pouvoir absolu. Réunissant en assemblée magistrale ses fidèles partisans, il fit abroger l’article de la Charte de Transmission qui rendait inamovibles les quatre vicaires magistraux. Il faut dire que ses quatre acolytes du début n’étaient plus. Devant cette modification arbitraire, des protestations s’élevèrent. Lançant une bulle d’interdiction contre les contestataires, il composa un nouveau magistère. Les opposants, qui voyaient leur rang grandir chaque jour, mirent le Grand Maître en état d’accusation et réclamèrent la réunion d’un convent général pour juger de son cas. Se voyant avec seulement une dizaine de chevaliers pour garde, il annonça, en avril 1812, qu’il se démettait de sa charge et convoqua, pour le 1 er avril 1813, un convent général qui aurait à élire son successeur. Un traité fut conclu. Palaprat annula sa bulle d’interdiction, les anciens et les nouveaux vicaires donnèrent leur démission et un gouvernement provisoire, présidé par le Grand Maître lui-même fut constitué.
Fabre s’aperçut rapidement que sa réélection était menacée par la campagne faite en faveur du comte Lepeletier d’Aulnay. Les obus qui éclatèrent pendant cette période furent des plus pittoresques. Palaprat déclara, le 24 novembre 1812, dans une circulaire imprimée, qu’il déléguait ses pouvoirs à de Comchamp, lieutenant général d’Europe, avec mission de les transmettre au Grand Maître qui serait élu. Le 19 décembre, récusation du Grand Maître pseudo templier ; dans une autre circulaire, il déclarait céder aux instances du Prince-délégué et reprendre le gouvernement de l’Ordre.
Le 1 er février 1813, sous la présidence de Choiseul, que les néo-templiers cataloguent de Maître dissident, s’ouvrit le convent général, et le grand prieur Charles-Louis de Lorraine (Lepeletier) fut élu. Palaprat refusa de s’incliner. Le 1 er mars suivant, il réunit, avec neuf
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