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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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rejoint le trésor de François I er , et n’avait en fait plus véritablement eu envie de le savoir.
    Qu’avait-elle besoin de ce trésor, d’ailleurs ?
    L’assassinat de Tobias Read, ajouté à celui de Jean de Mortefontaine, avait fait d’elle une des plus riches veuves d’Angleterre. Outre le commerce fructueux que sa flotte de navires lui offrait, elle avait hérité d’une plantation en Caroline-du-Sud, d’un comptoir de négoce à Cuba et de nombreux domaines. Tobias Read n’avait aucune descendance et pas d’autre parentèle qu’une vieille tante, bien assez fortunée et âgée pour ne pas lui causer d’ennuis avec de ridicules prétentions.
     
    Quelques mois durant, elle s’était laissé porter par les événements, se distrayant de la colère de son voisin en Irlande. Refusant de s’abandonner à son instinct. Cet instinct qui lui avait fait croire une fois déjà en l’extraordinaire capacité pour Mary de demeurer en vie. Il avait pris la forme d’une rébellion en son ventre chaque fois qu’elle fermait les yeux, hantée par son souvenir. Une rébellion qui était devenue certitude et, par là même, servitude.
    Elle avait fait l’amour avec William Cormac, l’avait perverti, lui si prude et si prudent, en imaginant sur elle les doigts de Mary, le souffle de Mary, la chaleur de Mary. Elle avait joui d’un corps d’homme en rêvant de celui d’une femme, incapable pourtant d’en désirer ou d’en aimer une autre. Elle n’avait pas de goût pour le saphisme. Elle n’avait de goût que pour Mary, si ambiguë, si mordante, si semblable à elle.
    Emma de Mortefontaine ne pouvait et ne pourrait aimer que son double.
    Lorsque, épuisée de ne désirer plus rien quand elle possédait tout, elle avait finalement accepté de se fier à son intuition, elle avait senti renaître en elle l’envie de vivre vraiment. Elle avait aussitôt chargé l’Homme en noir de s’enrôler sur le navire de Forbin et de la tenir informée de ce qu’il s’y passait. S’accrochant à l’espoir qu’un jour ou l’autre, si Mary refaisait surface, ce serait vers lui ou vers Corneille qu’elle se tournerait.
    Puis, quittant l’Irlande et Cormac, elle s’était mise à l’attendre, à Douvres, dans sa maison, espérant qu’attirée par le trésor Mary viendrait à elle. Obsédée par mille questions sans réponses, Emma s’était torturée une année durant, s’activant à gérer ses affaires, languissante et maussade, acceptant les avances de ses galants pour les repousser avec violence l’instant d’après, s’épuisant d’un espoir qui tournait au désespoir. Elle avait renvoyé Amanda, sa domestique qui se désolait toujours de la disparition étrange de Mary Oliver, ne gardant que son mercenaire, George, à ses côtés. Lui seul avait trouvé sa patience. Parce qu’il savait, comme tous les gens de l’ombre, s’y tenir pour mieux s’y fondre, accepter pour mieux partager.
    George, son homme à tout faire, était sans doute le seul à l’aimer assez pour tout pouvoir supporter.
    Y compris sa souffrance de ne pas se résigner quand tout l’y invitait. Il avait fini peu à peu par gagner à ses côtés la place qu’il espérait. Pas au grand jour, non. George n’aurait pu se satisfaire d’une perruque poudrée et d’un costume de nobliau. Il se contentait d’une caresse lorsque, défaite et douloureuse, Emma l’attirait à lui, en toute confiance, pour s’épancher. Lui faisant l’amour seulement lorsqu’elle le réclamait. Avec abnégation. Jamais il ne l’aurait trahie ou blessée. Jamais il ne lui aurait fait le moindre mal. Il serait plutôt mort pour la protéger. Peu à peu, il lui avait insufflé l’envie de sa quête perdue.
    C’était passé par une suggestion : pourquoi ne pas aller en Caroline-du-Sud visiter cette plantation qui rapportait un gros bénéfice ? Emma refusait de quitter Douvres, de peur de manquer Mary si elle y revenait. George avait su la convaincre. Pendant tous ces mois, Mary s’était tue. Il fallait accepter. Accepter l’inacceptable.
    Emma s’était finalement embarquée avec lui. Elle avait découvert la petite ville de Charleston, aux maisons de bois et de colonnades, s’était étonnée de son climat, et de ces nègres souriants malgré le poids de l’esclavage. Elle avait soudainement senti s’alléger le sien. Elle y était demeurée, six mois durant, retrouvant progressivement le goût de vivre. Aussi, lorsque George lui

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