Les valets du roi
avait naturellement proposé de partir pour le Yucatán après avoir visité Cuba, avait-elle cédé. Ensuite, elle regagnerait l’Europe.
Elle emportait toujours dans ses bagages un coffret d’ébène sculptée, qui renfermait l’œil de jade et la carte indiquant l’emplacement du trésor, comme une relique dont elle ne pouvait se séparer. « Et si c’était là, au Yucatán, que Mary Read s’était rendue ? » avait chuchoté une petite voix dans sa tête. Cela pouvait expliquer son silence. Emma, le cœur battant, l’espoir au ventre, avait monté une expédition pour Lubaantun, guidée par la carte de l’Espagnol. Elle avait trouvé la cité maya, le temple, forcé son portique, et tâtonné les parois. Elle avait caressé la stèle abandonnée, cherchant à deviner le mécanisme d’ouverture de la paroi.
Sans succès. Son mystère l’avait narguée.
Emma avait dû se rendre à l’évidence que Mary n’était pas arrivée jusque-là. Dépitée, et coléreuse, elle avait entrepris de forcer cette porte cachée, certaine d’y parvenir quand tant d’autres avaient échoué. Pour ce faire, elle avait retourné chaque grain de poussière et avait finalement repéré une fine aiguille de cristal entre deux cailloux grossiers, dans un angle de mur. Ensevelie sous la poussière. Oubliée. Par qui ? elle l’ignorait. À quoi servait-elle ? elle l’ignorait. Elle n’avait rien pu obtenir d’autre. La salle secrète lui était demeurée inaccessible.
Elle avait décidé d’abandonner.
Au moment pourtant où elle avait voulu ranger l’aiguille de cristal dans le coffret, celle-ci s’était mise à scintiller au contact de l’œil de jade. Emma s’en était tant intriguée qu’elle avait passé des jours entiers à examiner le phénomène. Rapprochant puis séparant les pièces l’une de l’autre, faisant se toucher les deux éclats de cristal. Ensemble, ils émettaient une lueur douce et apaisante, et leur eau devenait si limpide que le regard d’Emma aurait pu s’y refléter.
Revenue à Cuba, elle s’était procuré d’autres éclats de cristal, pensant qu’ils agiraient de même, et avait dû se rendre à l’évidence du contraire. Ils n’avaient aucun effet ni sur l’aiguille ni sur l’œil. Elle s’était renseignée auprès d’un joaillier, qui avait été incapable d’expliquer le phénomène et s’était même étonné de la structure du cristal. Il semblait taillé contre toute logique.
C’est alors que le désir de savoir, de comprendre, était revenu en elle, éclipsant soudain ces deux années d’attente et de leurre. Assorti d’une nouvelle certitude, qui avait tout à coup rejoint celle de Tobias autrefois. Bien au-delà du trésor dissimulé par les Espagnols, quelque part dans ce temple maya se trouvait un autre mystère, bien plus excitant et troublant.
Emma de Mortefontaine s’était enfermée dans sa cabine durant toute la traversée qui l’avait ramenée vers la France, ravie que la chance ait écarté de sa route les pirates qui sévissaient en nombre dans les Caraïbes.
Parvenue à Calais, son deuil était fait, et Mary Read enfin enterrée. Emma de Mortefontaine s’était trouvé une nouvelle obsession. Coûte que coûte, il lui fallait récupérer le crâne de cristal. Elle avait donc repris les recherches de Tobias Read là où il les avait arrêtées, avant sa mort.
Le temps ayant passé sur sa trahison, elle avait été accueillie courtoisement à la cour par lord Melfort. Elle avait fait la preuve, ces années durant, qu’elle avait cessé de se mêler de politique et on lui avait su gré de s’être tenue en exil jusque-là.
Dans l’ombre des Stuarts, rien n’avait changé.
Emma de Mortefontaine, bien plus maligne que Tobias Read, n’avait pas eu besoin de laissez-passer. Après quelques mois à se mêler aux conversations, elle avait réussi à découvrir l’emplacement des caisses d’archives. Elles avaient été stockées sous le théâtre, dans un renfoncement antérieur aux travaux d’aménagement. George, amené avec elle, avait récupéré le tout sans se faire remarquer, en plusieurs voyages, serrant les précieux documents subtilisés sous une livrée de valet. Emma de Mortefontaine n’avait plus eu qu’à les trier dans son hôtel particulier de Saint-Germain-en-Laye, rouvert pour la circonstance.
Trois jours plus tard, elle en était ressortie triomphante et avait raconté à George qu’elle tenait enfin une
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