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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Venez donc que je vous présente.
    Mary s’avança, curieuse de ce nouveau venu dans la vie d’Emma, puisqu’elle devait lui être présentée. L’homme se retourna. Leurs visages se figèrent en une même expression d’incrédulité.
    Tobias Read réagit le premier en se levant d’un bond.
    — Vous ? lâcha-t-il comme une sentence.
    Emma n’eut pas le temps de s’interroger.
    Glacée par l’expression de son oncle, Mary s’enfuit en courant. Elle parvenait au milieu de l’allée lorsqu’elle entendit Tobias hurler.
    — Rattrape-la !
     
    Mary jeta un coup d’œil par-dessus son épaule à plusieurs reprises. Un homme tout de noir vêtu la talonnait. Elle força l’allure et, sans réfléchir, bifurqua au coin de la rue pour gagner les quais, espérant s’y dissimuler plus aisément.
    Le port de Douvres était encombré de marchandises, mais déserté de monde. La nuit qui tombait facilitait la fuite de Mary. L’ombre des navires obscurcissait le quai. Mary en profita pour s’y fondre et disparaître à la vue de son poursuivant. Lorsqu’elle pensa enfin l’avoir semé, elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle, épuisée, s’appuyant à pleines mains contre un monticule de caisses en attente d’embarquement.
    Elle s’apaisait enfin quand une poigne de fer s’abattit sur son épaule. Mary sursauta. Elle n’avait pas entendu son agresseur s’approcher.
    — Personne ne peut m’échapper ! lui asséna-t-il d’une voix cassée.
    Le cœur de Mary sembla vouloir exploser dans sa poitrine. Elle se sentit perdue et referma ses paumes sur le bois dans un mouvement de colère. Un clou oublié lors du scellement des caisses se glissa sous ses doigts.
    Mary ne réfléchit pas.
    A l’instant où l’Homme en noir la retournait pour la ramener à son maître, elle lui déchira le visage du piquant de son arme improvisée. Surpris, l’homme lâcha sa proie en hurlant. Mary détala. Quelques centaines de mètres plus loin, elle avisa un navire marchand qui achevait de larguer ses amarres. Quatre matelots tiraient à quai la passerelle de bois qui y menait.
    Sans plus attendre, Mary prit son élan, cavala le long de la planche et d’un bond qui eût pu la fracasser contre la coque atterrit sur le vaisseau, que la passerelle retirée avait rendu à la liberté.
     
    Mary se releva lourdement, endolorie par sa chute. Les marins étaient aux manœuvres, nul ne s’était aperçu de son étonnant embarquement. Epuisée, elle s’accroupit contre la coque, dans un recoin protégé du suroît, derrière un imposant cordage lové, le temps de récupérer et de prendre enfin conscience de l’absurdité de sa fuite.
    Que pouvait-elle redouter de Tobias désormais, puisque sa maîtresse l’aimait ? Elle avait eu tort. Protégée par Emma, elle aurait pu affronter celui-ci sans crainte, ne serait-ce que pour lui annoncer qu’elle renonçait à son héritage. Elle venait de gâcher sottement la plus belle chance de sa vie.
    Elle se précipita au bastingage et voulut plonger dans les eaux sombres de la Manche pour regagner la rive. Poussé gaillardement vers le large, le navire filait déjà, toutes voiles gonflées.
    Le regard de Mary engloba les lumières tremblotantes qui s’éloignaient et les tourbillons que provoquaient les nombreux courants. Elle comprit en un instant qu’elle n’aurait jamais la force de nager pour revenir vers l’Angleterre. Il était trop tard. Furieuse contre elle-même, elle se traîna discrètement jusqu’à la cale et s’y laissa choir au milieu de la futaille que le navire marchand transportait.
    « Bah, se dit-elle pour se réconforter. Il me suffira d’écrire à Emma pour tout lui raconter. Elle comprendra et plaidera ma cause auprès de Tobias, j’en suis persuadée. D’autant qu’il me sera facile en France de remettre en main propre au sieur de Roan la lettre qu’elle lui destinait, évitant ainsi qu’elle soit interceptée. »
    Mary se rasséréna à cette perspective. Au fond il n’y avait pas lieu de se lamenter. Cependant, ballottée par un roulis qui augmentait au fil des minutes et gênée par les odeurs tenaces de marée, de bière et de moisissure, Mary ne fut pas longue à avoir la nausée. Elle n’avait jamais pris la mer et commença à douter de l’aimer jamais, tant sa situation lui sembla inconfortable.
    Elle finit pourtant par s’endormir, recroquevillée en boule entre les tonneaux ficelés les uns aux autres pour les

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