Les valets du roi
aimer. Elle se cabra. Corneille, décidément, la connaissait bien. Si bien.
— Viens en moi, supplia-t-elle. Je t’aime.
— Pas assez, décréta Corneille en se rendant à son souhait. Mais cela viendra, Mary. Oh oui !cela viendra, assura-t-il.
Il moula ses reins au balancement des siens qui frénétiquement s’offraient, la retenant captive du rythme et du jeu qu’il prenait plaisir à lui imposer. Fou de bonheur d’avoir obtenu enfin ce qu’il désirait. Mary Read lui appartenait !
Ils se séparèrent le lendemain matin, comme convenu, sur la promesse de retrouvailles plus chamelles encore. Sans plus attendre, Mary gagna l’hôtel particulier des Read à trois rues de la sienne, délaissant la cour du roi Jacques dont elle avait désormais perdu l’intérêt.
21
L ’Homme en noir ne s’embarrassa d’aucun scrupule sitôt qu’il eut reçu ses ordres. Tobias et Emma avaient longuement hésité sur la façon d’agir. Emma pensait pouvoir convaincre l’oncle du maréchal-ferrant de leur vendre l’œil de jade. Tobias pensait quant à lui que l’homme s’y refuserait. Ils finirent par s’entendre. L’Homme en noir fut chargé de le surveiller et de leur rapporter sa situation. Celle-ci leur donnerait des arguments pour se décider. Lorsqu’il apparut qu’ils auraient affaire à un vieillard veuf, tremblotant et vivant seul, ils n’eurent aucun scrupule à le confier aux mains de l’Homme en noir.
Celui-ci se rendit donc à sa tâche sans aucun remords. Il n’en éprouvait jamais.
Seule cette femme, cette Cecily Read, l’avait perturbé, longtemps. Une nuit, il avait même rêvé d’elle. Elle semblait plus jeune, plus gaie, l’appelait son amour, et virevoltait dans une robe rouge, un nourrisson dans les bras. Il s’était réveillé en sursaut, et s’était empressé de chasser cette image, les tempes si douloureuses qu’il avait eu envie de hurler. Il avait préféré l’oublier. Vite, très vite pour ne pas imaginer qu’elle ait véritablement pu être quelqu’un d’important dans son passé. Quelqu’un qui eût pu lui rendre son identité perdue. Mais, dans cette mémoire qu’il avait définitivement tuée avec Cecily, le prénom de Tom demeurait gravé comme une interrogation désespérée. Cela l’avait rendu plus inhumain encore.
Le sieur Colias, descendant de Jean Fleury et oncle du maréchal-ferrant, rendit l’âme en le maudissant de la cruauté avec laquelle il lui avait arraché l’emplacement de l’œil de jade et de ses autres valeurs. Le tout était conservé dans une boîte en fer, sous une des pierres du foyer. L’Homme en noir s’en empara. Ensuite de quoi il fila remettre à Tobias Read, son protecteur, ce qu’il avait réclamé.
Mary avait observé son manège à l’aide d’une lunette de marin que Corneille avait consenti à lui laisser. Il ne s’en était jamais séparé jusque-là. C’était un présent de Forbin qui datait de ce jour où Corneille avait perdu son avant-bras pour protéger son capitaine. Cette lunette avait permis à Corneille de forcer l’intimité de Tobias Read ces dernières semaines. Il lui avait suffi de se nicher dans un arbre qui surplombait la propriété, à la faveur de la nuit. Personne n’aurait songé à l’y débusquer.
Mary, ayant pris sa place, repéra vite l’endroit où l’œil de jade était enfermé. L’accès en était facile. Une fois le portail franchi, le cabinet de Tobias possédait une fenêtre en façade. Certains soirs, Emma la laissait ouverte. Mary attendit l’occasion. Et l’absence de l’Homme en noir.
Elle se faufila discrètement dans la place, après s’être assurée que les soldats du guet, venant de passer, ne risquaient pas de se retourner. La cour franchie, elle grimpa à la glycine qui recouvrait les deux tiers de la maison. Elle se hissa jusqu’aux balustres de fer forgé avec autant de facilité qu’elle atteignait le haut d’un mât de navire. Elle jeta un œil dans le cabinet. La lune était pleine et l’éclairait de sa clarté blafarde. Dans la chambre à côté, elle savait Emma et Tobias couchés.
Mary sauta, féline, sur le plancher, le faisant légèrement grincer. Elle s’immobilisa, aux aguets, puis s’avança sans hésiter vers le coffre dont la porte était dissimulée par une toile de maître. Juste à côté, sur l’étagère d’une bibliothèque, se trouvait une bonbonnière insipide. Mary l’ouvrit, certaine d’y
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