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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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kyyaa ! Mon oncle fît alors son apparition,
toujours nu, la peau constellée de taches de sang et la barbe enfumée, et
déclara d’un air satisfait :
    — C’était le dernier voyage de ce vieux démon, et
il est parti comme il le souhaitait. J’ai brûlé ses effets ainsi que les
couvertures et dispersé toutes les cendres. Dès que nous serons habillés et
nourris, nous pourrons partir.
    Je compris évidemment qu’en fait de sépulture, Beauté
de la lune vertueuse avait eu droit à des obsèques pas très musulmanes et
trouvai curieuse l’expression d’oncle Matteo : « il est parti comme
il le souhaitait ». Je lui posai donc directement la question. Pouffant
d’un petit rire, il me répondit :
    — Sa dépouille s’est envolée vers le sud. En
direction de La Mecque.

 
     
     
     
     
     
     
BAGDAD

 
20
    Nous poursuivîmes notre descente de l’Euphrate, qui
nous conduisit à traverser une contrée peu attrayante où la rivière avait
creusé son lit dans le basalte : une terre noire et austère, stérile, sans
herbe, sans pigeons, sans aigles. Personne ne nous avait pourchassés, pas plus
les Égarés que quiconque. Bientôt, graduellement et comme pour célébrer notre
délivrance du danger, le paysage se fit plus plaisant et plus hospitalier. Le
terrain commença de façon perceptible à s’élever sur les berges, la rivière ne
tarda pas à couler au milieu d’une large vallée verdoyante. Il y avait là des
champs de cerisiers, des forêts, des pâtures et des fermes, des fleurs et des
fruits. Mais les cerisiers étaient aussi hirsutes que les forêts naturelles, et
les fermes tout aussi envahies de mauvaises herbes que les prés de fleurs
sauvages. Tous les propriétaires de ces terres étaient partis. Les seules
personnes que nous rencontrâmes dans cette vallée furent des familles nomades
de bergers, des bédouins, ces hommes sans racines et sans terres qui
vagabondaient là parmi les prairies herbeuses. Nulle part nous ne vîmes trace
de ces habitants sédentaires qui eussent pu, par leur travail, préserver les
cultures et empêcher la nature de reprendre ses droits.
    — C’est là le travail des Mongols, diagnostiqua
mon père. Lorsque l’ilkhan Hugalu – je veux parler du sous-khan Hugalu, le
frère de notre ami Kubilaï – s’est engouffré dans cette zone et a vaincu
l’Empire perse, la plupart des Persans sont tombés ou ont fui devant lui, et
les survivants ne sont pas encore rentrés sur leurs terres. Mais les nomades
arabes et kurdes sont comme cette herbe sur laquelle ils vivent et à la
recherche de laquelle ils errent. Comme elle, ces bédouins savent ployer devant
le moindre souffle de vent, de la plus douce brise au plus farouche simoun,
pour se relever ensuite et continuer de progresser. Peu leur importe qui
gouverne la terre, et jamais ils ne s’en préoccuperont aussi longtemps
qu’elle-même existera.
    Me tournant de tous côtés sur ma selle, j’embrassai du
regard cette terre plus riche, plus fertile et prometteuse que toutes celles que
nous avions pu voir au cours de notre voyage, et demandai :
    — Qui dirige la Perse ?
    — À la mort de Hulagu, son fils Abagha lui a
succédé comme ilkhan. Délaissant Bagdad, il a pris pour capitale Maragheh, sise
plus au nord. Bien que l’Empire perse fasse désormais partie du khanat mongol,
il reste subdivisé, pour des raisons d’organisation administrative, en régions
gouvernées par un shah qui a en principe prêté serment d’allégeance à l’ilkhan
Abagha, lui-même vassal du khakhan Kubilaï.
    J’étais impressionné. Je savais que nous étions encore
à de longs mois d’une éprouvante traversée de la cité où le khan Kubilaï avait
sa cour, et, ici déjà, en ces lointaines contrées occidentales de Perse,
nous nous trouvions à la lisière de ses domaines. Ayant à l’école voué la plus
grande admiration au Roman d’Alexandre, l’ayant étudié avec le plus vif
enthousiasme, je savais que la Perse avait naguère fait partie de l’empire de
ce conquérant, empire dont l’exceptionnelle envergure, justement, lui avait
valu le surnom de Grand. Pourtant, les territoires qu’il avait dominés ne
formaient, en regard de ceux qu’avait conquis Gengis khan, qu’une portion
restreinte du monde. Or les fils de Gengis puis ses petits-fils avaient encore
élargi leur emprise jusqu’à lui offrir cette invraisemblable étendue sur
laquelle régnait à présent, comme khan de tous les

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