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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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à continuer de régner ? Un Vieux, ça, il l’était
déjà...
    — Tu veux dire que... j’aurais éliminé le Vieux
de la Montagne en personne ?
    — On ne pourra pas le savoir, tempéra mon père.
Sauf si, bien sûr, les autres haschischins nous mettent le grappin dessus. Et
je n’ai pas tellement envie de le savoir, au fond.
    — Ils ne nous rattraperont pas, martela oncle
Matteo. Nous avons déjà été quelque peu négligents en nous aventurant si loin
dans une contrée étrangère sans autres armes que nos couteaux de voyage.
    Mon père prit alors les choses en main.
    — Ils ne nous prendront en chasse que s’ils ont
une raison de le faire. Il nous surfit donc de leur en supprimer le motif.
Laissons-les croire que le tenancier est parti en escapade, tuer un mouton pour
garnir son cellier, par exemple. Il pourrait s’écouler plusieurs jours avant
que de prochains visiteurs se présentent, et quelques-uns de plus avant qu’ils
s’inquiètent de ce qu’a pu devenir le maître des lieux. Le temps qu’un Egaré ou
un autre se lance à sa recherche, puis cesse de lui courir après pour se mettre
à suspecter une affaire louche, nous serons loin.
    — Tu veux que nous emmenions avec nous le vieux
Beauté ?
    — Pour risquer une rencontre embarrassante à deux
pas d’ici ? (Mon père secoua négativement la tête.) On ne peut pas non
plus le jeter dans le puits, ni le cacher, ni l’enterrer. Le premier voyageur
arrivé s’en ira, en effet, aussitôt chercher de l’eau. Et ces Arabes ont le
flair d’un chien de chasse dès qu’il s’agit de renifler quelque chose de caché
ou de repérer une terre fraîchement retournée.
    — Pas dans la terre donc, ni dans l’eau, résuma
mon oncle. Il ne reste qu’une alternative. Je ferais bien de m’en occuper avant
d’aller me rhabiller.
    — En effet, concéda mon père d’un air entendu.
(Il se tourna alors vers moi.) Marco, fouille où tu voudras, mais trouve-nous
de quoi remplacer le tas de couvertures souillées de ton oncle. Et vois,
pendant que tu y seras, si tu peux dénicher des armes quelque part. Il se
pourrait que nous en ayons besoin.
    Cet ordre me fut à l’évidence donné dans le seul but
de m’éloigner afin qu’ils puissent procéder à ce qu’ils avaient en tête. La
mission que l’on m’avait confiée me prit du reste un certain temps, car le
caravansérail était ancien et avait dû avoir une longue suite de propriétaires
dont chacun avait construit et ajouté de nouveaux bâtiments à l’ensemble.
L’édifice principal était un vaste dédale de couloirs et de chambres,
d’armoires et de lieux d’aisances, de coins et de recoins, sans compter les
étables, les remises, les enclos à moutons et autres dépendances. Mais le vieil
homme, comptant apparemment sur l’efficacité de ses drogues et de ses duperies,
n’avait pas pris la peine de dissimuler ses biens. À en juger par l’arsenal
d’armes et l’amoncellement de provisions qu’il détenait, il avait été ou bien
le Vieux de la Montagne en personne, ou du moins l’un des principaux
pourvoyeurs des Mulahidat.
    Je piochai dans la considérable réserve de matériel
deux couvertures de laine. Puis, fouillant parmi les armes sans parvenir à y
trouver de ces épées droites auxquelles nous étions habitués, nous autres
Vénitiens, j’en sortis quelques-unes des plus brillantes et des plus affûtées.
Munies d’une large lame incurvée – un peu comme des sabres dont seul le côté
convexe aurait été coupant –, elles portaient le nom de shimshir (cimeterre),
ce qui signifie « lion silencieux ». J’en pris trois, une pour
chacun, ainsi que des ceintures munies de boucles de cuir pour les y accrocher.
J’aurais pu en profiter pour enrichir considérablement nos bourses, car Beauté
avait accumulé une impressionnante fortune en banj présenté sous toutes
ses formes : sachets de branches séchées, briques de résine compactée,
flacons d’huile concentrée. Mais je laissai tout cela en place.
    L’aube commençait à poindre lorsque je rassemblai mes
trouvailles dans la pièce principale où nous avions dîné la veille. Mon père
s’activait à préparer notre petit déjeuner sur le brasero, choisissant les
ingrédients avec le plus grand soin. Au moment où j’entrai, j’entendis une
série de bruits provenant du jardin tout proche : un long sifflement
froufroutant, puis un choc mat, lourd et massif, suivi d’un hurlement
grinçant :

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