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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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en étaient
douloureuses. J’étais presque soulagé au moment où l’élancement des contractions
reprenait le dessus : elles étaient tellement pires qu’elles balayaient la
conscience de ces contrariétés mineures.
    J’avais désormais admis l’idée que l’ingestion du
philtre ne m’apporterait aucun plaisir. À présent que les heures s’empilaient
pesamment les unes sur les autres, je tâchais de me résigner à ce qu’il avait
provoqué à la place – la soif, la nausée, la souillure et la misère en général
–, en attendant que son pouvoir s’évanouisse et que je récupère mon apparence
d’origine ou que, au contraire, il m’assaille de tourments nouveaux.
    Ce qu’il ne manqua pas de faire. Lorsque les vagues de
souffrance ne parvinrent plus à faire jaillir de moi les fameux jets d’urine,
je crus que mon bassin avait expurgé tous ses fluides. Mais soudain, je sentis
toute ma partie inférieure éclaboussée par une humidité encore largement
supérieure à celle que j’avais déjà éjectée, un véritable flot liquide, comme
si quelqu’un avait renversé une cruche entre mes jambes. C’était chaud comme
l’urine, mais lorsque je me relevai pour voir, je constatai que la flaque qui
s’étendait n’avait aucune couleur définie. Je sentis aussi que cette eau ne
venait pas de ma vessie, par la voie naturelle utilisée lors de la miction,
mais de mon mihrab lui-même. J’en fus réduit à imaginer que cette
souillure n’était que l’indice d’une étape supplémentaire dans cette dégoûtante
opération qui consistait à donner la vie.
    Les contractions abdominales se rapprochaient, me
laissant à peine le temps désormais de reprendre mon souffle entre les assauts
et de raffermir ma détermination, avant que le déferlement suivant m’emporte.
    J’en vins à me dire en moi-même : peut-être
est-ce le fait que tu t’arc-boutes face à chaque vague de douleur et que tu
tentes de t’y dérober qui contribue à la rendre aussi insupportable. Peut-être
que si tu faisais bravement face à chacune ou leur fonçais délibérément
dedans... J’essayai donc de le faire, mais « foncer dedans », dans ce
genre de situation, signifiait exercer le même type de poussée musculaire que
celle employée pour déféquer, et ma tentative eut le même effet. Lorsque cette
torture écrasante s’atténua brièvement, je découvris que j’avais expulsé sur le
lit, entre mes jambes, un considérable tas de merde puante. Mais j’étais déjà
bien loin de l’idée même de m’en formaliser, à cet instant. Je pensai
simplement à part moi : tu savais déjà que la vie humaine s’achevait dans
la merde ; tu sais maintenant qu’elle commence de même.
    « Le royaume de Dieu n’est fait que de
cela. » Je me souvins soudain avoir prêché de la sorte devant l’esclave
Narine, tout récemment. « Laissez venir à moi les petits
enfants... », me récitai-je, avant de rire piteusement.
    Je n’eus pas longtemps l’occasion de rire. Bien que
cela fût difficilement concevable, les choses empirèrent encore. Les douleurs
non seulement se rapprochèrent, mais leur durée s’allongea régulièrement, et,
bientôt, ce ne fut plus dans mon ventre qu’une constante agonie, sans répit,
qui augmentait en intensité jusqu’à me faire sangloter, gémir et geindre sans
la moindre honte. Craignant de ne pouvoir en supporter davantage, j’en vins à
implorer de toutes mes forces un saint miséricordieux de m’accorder la grâce de
m’évanouir. Si quelqu’un s’était alors penché sur moi et m’avait dit :
« Ceci n’est rien. Tu peux avoir encore bien plus mal que cela, et c’est
ce qui va t’arriver », je crois que, malgré la situation atroce,
insoutenable, j’aurais laissé fuser un autre rire parmi mes sanglots. Mais ce
quelqu’un-là aurait eu raison.
    Je sentis mon mihrab s’ouvrir et s’étirer comme
une bouche en train de bâiller, et ses lèvres continuèrent de s’agrandir de
plus en plus largement jusqu’à former une ouverture ronde, telle une bouche
expulsant un cri. Et comme si le tourment n’était pas encore assez intense, il
me sembla que le pourtour de ce cercle était soudain badigeonné d’un liquide en
feu. Je lançai désespérément une main vers le bas, comme pour tenter d’une tape
d’éteindre l’incendie. Mais elle ne ressentit nulle brûlure, seulement quelque
chose de friable. Je la ramenai devant mes yeux ruisselants et vis à

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