Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
commence à accuser le coup,
son hôte s’exclame :
    — Eh ! Un homme ne peut marcher à
cloche-pied...
    Et il lui en sert un autre. Ce pied-là va
inévitablement avoir ensuite besoin d’un autre verre, qui en appellera un à son
tour, et ainsi de suite. Les Mongols sont capables de se saouler à mort, au
sens littéral du terme. Un guerrier tué sur le champ de bataille est toujours
enseveli sous un cairn, et on l’enterre en position assise, tenant sa corne à
boire dans la main, à la hauteur de la poitrine.
    Le jour avait cédé la place à l’obscurité lorsque je
décidai d’arrêter de boire plutôt que risquer à mon tour de finir enterré de la
sorte. Je me hissai péniblement à la verticale et remerciai mes hôtes de leur
hospitalité, puis leur fis mes adieux et pris congé d’eux, tandis qu’ils me
saluaient avec chaleur :
    — Mendu, sain urbek ! Un bon cheval et une plaine ouverte pour toi, au
plaisir de te revoir !
    Je n’étais pas à cheval, mais à pied, aussi titubai-je
quelque peu. Mais cela ne m’attira aucun commentaire particulier tandis que je
divaguais à travers le bok, puis jusqu’aux portes de Kachgar et enfin le
long de ses rues odorantes jusqu’au caravansérail des Cinq Félicités. Je fis
une entrée vacillante dans notre chambre et m’arrêtai court, les yeux
écarquillés. Un immense prêtre barbu et habillé de noir se tenait là, debout.
Je mis un certain temps avant de reconnaître en lui oncle Matteo, et, dans la
confusion d’esprit qui était alors la mienne, tout ce que je parvins à me dire
fut : « Mon Dieu, dans quel abîme de dépravation est-il tombé, à
présent ? Uu ? »

 
43
    Je m’effondrai sur un banc et souris à mon oncle qui
arborait sa soutane avec un complaisant air de piété. Mon père, passablement
irrité, cita un double proverbe :
    — Si le vêtement fait l’homme, l’habit ne fait pas
le moine. Et encore moins le prêtre, Matteo. Où as-tu trouvé cette tenue ?
    — Je l’ai achetée au frère Boyajian. Tu te
souviens de lui, Nico, la dernière fois que nous sommes passés.
    — Oh, que oui, trop bien ! Un Arménien qui
vendrait ses hosties. Pourquoi ne lui en as-tu pas acheté, pendant que tu y
étais ?
    — Une rondelle de pain azyme, fut-elle
sacramentelle, ne dirait rien à l’ilkhan Kaidu. En revanche, ce déguisement,
oui. Sa propre épouse, l’ilkhatun, est chrétienne convertie même si c’est une nestorienne.
J’espère donc que l’ilkhan respectera cette soutane.
    — Pourquoi le ferait-il ? Tu la respectes,
toi ? Je t’ai déjà entendu critiquer l’Eglise avec une violence proche de
l’hérésie. Et voilà qu’à présent... Quel blasphème !
    Oncle Matteo protesta hautement :
    — Je te rappelle que la soutane n’est pas en soi
un vêtement ecclésiastique. Tout le monde peut en porter une, à condition de ne
pas prétendre à la sainteté qu’elle confère. Et moi, je ne prétends à rien.
Quand bien même le voudrais-je, d’ailleurs... Tu te souviens de ce passage du
Deutéronome : « L’eunuque, dont les testicules sont brisés, n’entrera
pas dans l’Eglise du Seigneur. » Capòn mal
caponà .
    — N’essaie pas de justifier ton impiété en
t’apitoyant sur toi-même, Matteo.
    — Je dis simplement une chose : si Kaidu me
prend pour un prêtre, je ne vois pas au nom de quoi j’irais le détromper.
Boyajian assure que, confronté à un païen, un chrétien a toute latitude
d’employer le subterfuge de son choix.
    — Je ne considère pas un nestorien réprouvé comme
une autorité en matière de foi chrétienne.
    — Tu préférerais accepter les décrets de Kaidu,
c’est ça ? La confiscation, voire pire ? Écoute, Nico. Il a la lettre
de Kubilaï, il sait qu’on nous a chargés de ramener des prêtres à Kithai. Sans
ces prêtres, nous ne sommes rien d’autre que des vagabonds errant sur les
domaines de Kaidu avec le lot de marchandises le plus tentant qu’on ait jamais
vu. Je ne vais pas affirmer que je suis prêtre, mais si Kaidu le croit...
    — La collerette blanche n’a jamais protégé
personne de la hache du bourreau.
    — C’est toujours mieux que rien. Kaidu peut
toujours faire ce qu’il veut à des voyageurs ordinaires, mais s’il massacre ou
emprisonne un prêtre, les échos pourraient fort bien en parvenir jusqu’à la
cour de Kubilaï. Et dans le cas d’un prêtre que Kubilaï aurait lui-même
mandé ? Nous savons que Kaidu est

Weitere Kostenlose Bücher