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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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être moins malheureux ailleurs,
frère Ugo. Je préfère rester dans celle-ci.
    — Comme vous voudrez, répliqua-t-il. À présent,
je me suis mis en relation avec la maison Polo, dont vous semblez être le
propriétaire en titre, bien que vous ne soyez pas encore majeur. Si vous le
souhaitez, vous pouvez fort bien payer votre casermagio avec la caisse
de la Compagnie et désigner un avocat de votre choix. Il vous suffira de signer
une autorisation de paiement, et tous vos frais seront ainsi automatiquement
couverts.
    Je répondis, hésitant :
    — Ce serait une humiliation publique pour ma
Compagnie, et je ne me sens pas le droit de dilapider ainsi ses fonds...
    — ... pour une cause perdue, acheva-t-il pour
moi, en faisant un signe d’assentiment de la tête. Je comprends parfaitement
votre position.
    Saisi, je tentai de me récrier :
    — Je n’ai pas dit que... C’est-à-dire, j’aimerais...
    — L’alternative, c’est d’accepter l’aide de la
Fraternité de Justice. Pour se rembourser de ses frais, celle-ci est alors
autorisée à envoyer de par les rues deux mendiants qui réclament aux citoyens
l’aumône, par pitié pour le pauvre Marco P...
    — Amoredèi ! m’exclamai-je. Mais c’est infiniment plus humiliant
encore !
    — Vous n’êtes pas obligé de vous déterminer
sur-le-champ. Discutons d’abord un peu de votre cas, si vous le voulez bien.
Qu’avez-vous l’intention de plaider ?
    — De plaider ? répliquai-je, indigné. Je
n’entends pas plaider, mais bien protester ! Je suis innocent !
    Frère Ugo lança un regard réprobateur vers le juif,
par-dessus mon épaule, comme s’il le soupçonnait de m’avoir déjà donné conseil.
Mordecai, lui, se contenta d’afficher un scepticisme amusé.
    Je poursuivis, enfonçant le clou :
    — Le premier témoin que je convoquerai sera Dona
Ilaria. Quand elle se verra priée de raconter notre...
    — Elle ne sera pas citée à comparaître,
interrompit le frère. Les Gentilshommes de la Nuit ne le permettraient pas.
Cette dame, que vient de frapper un deuil douloureux, demeure à l’heure qu’il
est prostrée dans sa peine.
    Je pouffai de mépris :
    — Vous êtes en train de me dire qu’elle pleure
son mari ?
    — Ecoutez..., avança-t-il, hésitant, après avoir
semblé peser différents éléments, si ce n’est pas le cas, vous pouvez en tout
cas être sûr qu’elle montre une extrême désolation de ne pas être devenue
dogaresse de Venise.
    Le vieux Cartafilo réprima un gloussement. Peut-être
émis-je à mon tour un petit bruit, mais plutôt de consternation devant cet
aspect des choses que je n’avais pas envisagé. Ilaria devait bouillir de
désappointement, de frustration, voire de colère, en effet. Lorsqu’elle avait
émis le souhait d’être débarrassée de son mari, elle n’avait jamais rêvé une
seconde de l’honneur qu’on allait lui accorder et dont elle aurait bénéficié en
retour. Elle s’évertuerait sans doute, désormais, à oublier toute sa
responsabilité dans cette affaire et ne songerait plus qu’à se venger de cette
gloire perdue, pour ce titre qu’elle ne porterait jamais. Peu importait, au
fond, sur qui elle reporterait sa rage, et existait-il, en l’occurrence,
meilleure cible que moi ?
    — Mais, si vous êtes innocent, jeune messire
Marco, repartit Ugo, qui aurait assassiné cet homme ?
    — Je pense qu’il s’agit d’un prêtre.
    Il me couvrit d’un long regard, avant de frapper à la
porte de la cellule pour qu’on vienne lui ouvrir. Comme la porte s’ouvrait à
hauteur de ses genoux, il me suggéra :
    — Je vous conseille de vous choisir un autre
avocat. Si vous avez l’intention d’accuser de ce crime un révérend père et si
votre principal témoin est une femme animée du seul désir de vengeance, il vous
faudra le talent du plus extraordinaire défenseur de la République.
    Ciao.
    Dès qu’il fut sorti, je fis remarquer à
Mordecai :
    — Tout le monde ici semble penser que mon sort
est scellé, coupable ou pas. Il existe pourtant sûrement des lois qui
protègent l’innocent d’injustes accusations !
    — Oh, presque certainement. Mais comme le stipule
un vieux dicton : « Les lois de Venise, d’une équité suprême, sont
toujours assidûment respectées... l’espace d’une semaine. » N’espère pas
trop, tu risques d’être déçu.
    — J’aurais un peu plus d’espoir si je pouvais
compter sur une aide quelconque, notai-je.

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