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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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antérieure recroquevillé dans sa minuscule boutique de change
sur la Merceria, ce qui, en termes de confinement, ne devait pas le changer
beaucoup. Mais, pour moi qui avais vécu au grand air, sans entrave et libre au
milieu de mes amis, me retrouver ainsi emmuré dans le Volcan, c’était un peu
comme être enterré vivant. Je réalisai combien la compagnie de ce juif, dans ma
prison hors du temps, était une bénédiction, même si sa conversation n’était
pas toujours des plus gaie et enjouée. Un jour, je lui expliquai que j’avais vu
déjà plusieurs fois administrer des châtiments corporels entre les colonnes de
Marc et Todaro, mais jamais encore une exécution.
    — C’est que la plupart d’entre elles sont
organisées ici, à l’intérieur de ces murs, afin que même les autres prisonniers
ne puissent être au courant jusqu’à ce que leurs congénères disparaissent.
L’homme condamné à mort est placé dans l’une des cellules des Giardini
Foschi, les Sombres Jardins, comme on les appelle, dont les fenêtres sont
toutes garnies de barreaux. Le Viandeur attend avec une grande patience à
l’extérieur de la cellule, jusqu’à ce que le prisonnier, en se promenant, se
retrouve devant la fenêtre le dos tourné. À cet instant, le Viandeur jette
entre les barreaux une cordelette qui s’enroule autour de la gorge de l’homme,
puis tire un coup sec : ou le cou casse tout net, ou la victime périt
étranglée. Les Sombres Jardins se situent dans ce bâtiment, du côté du canal,
et ici, dans ce corridor, il y a un bloc de pierre amovible : à la nuit
tombée, le corps de la victime est glissé dans cette cavité secrète, tombe dans
un bateau posté là exprès pour le récupérer et est emporté à la fosse commune.
L’exécution n’est rendue publique qu’une fois accomplie. On évite ainsi bien
des tourments. Venise ne tient pas que l’on sache que la vieille loi du talion
romaine est encore si souvent utilisée ici. De ce fait, les exécutions publiques sont rares, et plutôt réservées à ceux qui ont commis des crimes vraiment
abominables.
    — Quel genre de crime ? demandai-je.
    — Je me souviens avoir vu un homme exécuté de la
sorte pour avoir violé une nonne, et un autre pour avoir divulgué à un étranger
les secrets du travail du verre de Murano. J’inclinerais assez à croire que le
meurtre du futur doge entre dans cette catégorie, si c’est ce que tu te
demandes.
    Je déglutis.
    — Qu’est-ce que... comment cela se passe-t-il
lorsque l’exécution est publique ?
    — Le coupable s’agenouille entre les piliers,
puis il est décapité par le Viandeur. Avant cela, toutefois, le bourreau lui
aura coupé les parties de son corps en rapport avec le crime. Le violeur de
nonne, par exemple, avait été émasculé. Le souffleur de verre avait eu, quant à
lui, la langue arrachée. Le condamné se rend aux colonnes avec la partie
coupable qu’on lui a ôtée suspendue autour du cou par une corde. Dans ton cas,
je suppose que ce sera seulement la main.
    — Et seulement ma tête, ajoutai-je d’un ton
lourd.
    — Essaie de ne pas rire, conseilla Mordecai.
    — Rire ? ! répliquai-je, au supplice,
et à ces mots, j’éclatai en effet de rire, tant ils étaient ridicules et
grotesques. Tu plaisantes à nouveau, vieil homme.
    Il haussa les épaules.
    — On fait ce qu’on peut.
    Un jour, un événement vint rompre la monotonie de ma
captivité. La porte fut déverrouillée, et un étranger rampa dans notre cellule.
Cet homme, assez jeune, n’était pas vêtu d’un uniforme, mais de la cape de la
Fraternité de Justice. Il se présenta sous le nom de frère Ugo.
    — Déjà, attaqua-t-il sans préambule, sachez que
vous êtes redevable à la prison d’État d’un considérable casermagio au
titre de votre pension d’incarcération. Si vous êtes pauvre et n’avez pas les
moyens de l’acquitter, la Fraternité le fera pour vous tout le temps que vous
resterez enfermé. Je suis un avocat patenté et je vous représenterai de mon
mieux. Je ferai passer pour vous des messages à l’extérieur, vous en apporterai
s’il vous en arrive, et je puis également vous pourvoir en certaines
commodités, telles que du sel pour vos repas, de l’huile pour votre lampe et
autres agréments de ce genre. Je peux enfin vous obtenir (son regard glissa sur
le vieux Cartafilo, et il émit un léger reniflement de dégoût) une cellule
particulière.
    — Je doute fort

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