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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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territoire
continental de Venise. Quant à Dona Ilaria, le doge la contraindra sans doute à
prendre le voile dans un couvent discret. Cette procédure a déjà un
précédent : il y a bientôt un siècle, en France, une situation similaire
s’était présentée, dans laquelle un prêtre et une grande dame avaient également
été impliqués.
    — Et que va-t-il advenir de moi ?
    — Dès que le doge aura coiffé le bonnet blanc, il
procédera à la proclamation des amnisties, et vous serez du nombre. Vous serez
absous de la tentative d’incendie et vous avez été mis hors de cause pour
l’assassinat. Vous serez donc libéré de prison.
    — Libre ! haletai-je.
    — À la vérité, peut-être même un peu plus libre
que vous n’auriez pu le souhaiter.
    — Comment cela ?
    — Je vous l’ai dit, le doge va tout faire pour
qu’on oublie au plus vite cette sordide affaire. S’il vous laissait tout
bonnement errer à nouveau libre dans les rues de Venise, votre simple présence
serait un rappel constant de ce qui s’est produit. Votre amnistie est donc
conditionnelle, elle est soumise à votre bannissement. Vous êtes exilé. Vous
allez devoir quitter Venise à tout jamais.
    Durant les quelques jours que j’eus encore à passer en
prison, je réfléchis à tout ce qui venait d’arriver. Certes, il était
douloureux d’avoir à quitter Venise la Sérénissime, Venise la Ville lumière.
Mais à tout prendre, cela valait certainement mieux que de finir décapité sur
la piazzetta ou de rester à me morfondre dans les geôles du Volcan, où
ne m’auraient attendu ni sérénité ni lumière. J’en vins presque à plaindre le
sort du prêtre qui avait porté le coup fatal à ma place. Nul doute qu’en tant
que jeune prêtre à la basilique il aurait pu espérer un avancement rapide dans
la hiérarchie ecclésiastique, ce qui ne serait plus possible à l’issue de sa
lointaine mutation aux allures d’éviction. L’exil d’Ilaria ne serait guère plus
enviable, et là où elle irait, sa beauté ne lui serait plus d’une grande
utilité. Mais qui sait... Elle qui avait été si prodigue de ses talents en tant
que femme mariée saurait peut-être les faire valoir en tant que fiancée du
Christ ? Elle aurait en tout cas de nombreuses occasions, cette fois, de
fredonner le fameux hymne du couvent, comme elle l’avait appelé en ma présence.
Néanmoins, si nous comparions notre sort à l’irrévocable destin qui avait
frappé notre victime, nous nous en tirions relativement bien, tous les trois.
    Je fus libéré de prison avec moins de cérémonie encore
que lorsque j’y avais été jeté. Les gardiens vinrent déverrouiller la porte de
ma cellule, me conduisirent à travers des couloirs, me firent descendre des
escaliers, ouvrirent devant moi une dernière porte, et, soudain, je fus dehors.
Je n’eus qu’à franchir la porte du Blé pour me retrouver au soleil sur la rive
de la lagune et me sentir aussi libre que les innombrables mouettes qui
tournoyaient en bord de mer. C’était, ma foi, une fort agréable sensation, mais
j’avoue que je me serais senti encore mieux si j’avais eu la possibilité
d’enfiler des vêtements propres avant de sortir de prison. Ayant passé toute ma
détention dans la même tenue, j’empestais un mélange d’huile de poisson et de
fumée, sans compter les effluves d’urine. Mes habits étaient déchirés depuis la
lutte de ma tentative d’évasion, et ce qu’il en restait était aussi crasseux
que chiffonné. Pour couronner le tout, une ombre de barbe était apparue sur mes
joues ; même si elle n’était sans doute pas encore très voyante, elle ne
faisait que contribuer à accroître ma sensation de débraillé. J’aurais rêvé, on
le comprendra, de circonstances plus favorables pour la première rencontre de
ma vie avec mon père. Mais lui et mon oncle étaient là, sur le quai, tous deux
tirés à quatre épingles dans leurs élégantes robes de membres du Conseil, sans
doute revêtues à l’occasion de l’intronisation du doge.
    — Étreins ton fils ! mugit mon oncle.
Embrasse ton admirable nigaud de fils, porteur du nom de notre frère et de
notre saint patron ! Ne trouves-tu pas qu’il a l’air bien misérable, pour
avoir déclenché un tel vacarme ?
    — Mon père ? fis-je, soudain terriblement
timoré, en me tournant à demi vers l’autre homme.
    — Mon fils ? me répondit-il, presque aussi
hésitant, mais ouvrant déjà les

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