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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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tractions,
propulsant le bateau en une série de bonds accélérés. Ces mouvements suivaient
le rythme imposé par le batteur, un tempo d’abord lent qui gagnait en rapidité
en proportion de la vitesse acquise par le bateau. Les deux maillets émettaient
des sons distincts, de façon que les rameurs de chaque côté sachent quand ils
devaient intensifier leurs efforts par rapport à leurs homologues du côté
opposé.
    Je ne fus pas autorisé à ramer, car ce travail requiert
une telle habileté que les apprentis le pratiquent d’abord sur des galères
factices posées sur la terre ferme. Le mot galérien était si souvent utilisé, à
Venise, pour désigner un forçat que j’en avais déduit que toutes les galères et
galiotes étaient mues par des criminels qui, une fois capturés, avaient été
condamnés à cette peine. Mais le batteur m’expliqua que les bateaux de fret
étaient en concurrence pour leur rapidité et leur efficacité, et qu’il eût été
folie de faire reposer cela sur le travail forcé.
    — Aussi les flottes marchandes ne louent-elles
que les services de rameurs professionnels et expérimentés, affirma-t-il. Les
galères de combat sont quant à elles propulsées par des citoyens volontaires,
qui ont choisi cette activité dans le cadre de leurs obligations militaires,
plutôt que de porter l’épée.
    Le cuisinier du bord m’indiqua de son côté la raison
pour laquelle il ne cuisait pas de pain.
    — Je ne garde jamais de farine dans ma galère,
trancha-t-il, péremptoire. Il s’avère totalement impossible, en mer, de
préserver une bonne farine de toute contamination. Ou il s’y développe des
charançons, ou elle prend l’humidité. C’est même pour cette raison que les
Romains ont naguère, les premiers, pensé à fabriquer les pâtes que nous
apprécions tant aujourd’hui. Elles sont en effet presque imputrescibles. On
raconte qu’un cuisinier romain inventa un jour cette nouvelle forme de
nourriture, plus ou moins consciemment, quand son stock de farine eut été
inondé par une vague. Il pétrit ce qui restait en une pâte, afin de sauver ce
qui pouvait l’être encore, puis il la découpa en morceaux afin qu’elle séchât
plus vite et devînt solide. De là proviennent les nombreuses formes et tailles
de vermicelles et de macaronis. Ce fut un cadeau des dieux pour nous autres
cuisiniers de bord, ainsi que pour tous ceux restés à terre.
    Le capitaine du navire me montra comment l’aiguille de
sa boussole pointait invariablement en direction de l’étoile Polaire, même lorsque
celle-ci demeurait invisible. À cette époque, cet instrument commençait juste à
être considéré comme un équipement aussi indispensable à bord que le médaillon
de saint Christophe, mais, pour moi, c’était encore une nouveauté. Il en allait
de même à l’égard du periplus, que le capitaine me dévoila également,
une liasse de cartes marines sur lesquelles étaient dessinés les contours de
toutes les côtes de la Méditerranée, du Levant aux colonnes d’Hercule, et
toutes les mers qui les bordent : l’Adriatique, la mer Egée, et ainsi de
suite. Le long de ces côtes tracées à l’encre, le capitaine – et d’autres
capitaines de vaisseau qu’il connaissait – avait indiqué les points saillants
visibles de la mer : lumières d’habitations, caps, promontoires rocheux en
surplomb, et tout autre repère susceptible d’aider le marin à évaluer sa
position avec exactitude. Sur la partie représentant les mers, le capitaine
avait aussi griffonné des notes qui indiquaient les différentes profondeurs
constatées, les courants et les récifs dissimulés. Il m’expliqua qu’il tenait
constamment ces informations à jour, ayant déjà pu lui-même observer ou entendu
dire par d’autres capitaines que ces profondeurs pouvaient varier, à cause par
exemple de l’accumulation du limon, comme au large de l’Egypte, ou du fait de
l’activité de volcans sous-marins, comme c’était fréquent autour de la Grèce.
    Lorsque j’évoquai devant mon père le periplus, il
sourit et lâcha, goguenard :
    — Mieux vaut pas grand-chose que rien du tout.
Nous possédons, pour notre part, bien mieux qu’un periplus.
    Sur ces mots, il rapporta de notre cabine une liasse
de papiers encore plus épaisse.
    — Vois, c’est le Kitab.
    Mon oncle approuva fièrement :
    — Si le capitaine était muni du Kitab et
que son vaisseau pouvait voguer sur la terre ferme, il

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