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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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borné rêverait, c’est évident, de telles
marchandises, mais il existe bien d’autres possibilités pour un homme
intelligent désireux de faire fortune. Oui, Marco. Même si tu ne nous
accompagnes que jusqu’au Levant, tu peux certainement, rien qu’en gardant les
yeux ouverts et le bon sens en éveil, poser les bases d’une richesse que tu ne
devras qu’à toi. Je te l’affirme, mon fils, ces terres regorgent de bonnes
affaires.
    — J’attends cela avec intérêt, fis-je avec
déférence. Mais j’aurais pu apprendre le commerce sans quitter Venise. Je
pensais surtout à... disons, l’aventure...
    — L’aventure ? Mais enfin, mon garçon,
connais-tu aventure plus gratifiante que de dénicher une affaire que nul
n’avait envisagée auparavant, de sauter sur l’occasion et d’en tirer
profit ?
    — Bien sûr, père, c’est sans nul doute une chose
fort agréable, concédai-je, dans le but ne pas altérer son enthousiasme. Mais,
et l’exaltation ? Les expériences étonnantes que vous avez vécues, les
curiosités exotiques que vous avez vues ? Avec tous vos voyages, elles ont
sûrement été nombreuses.
    — Ah oui, les curiosités exotiques... (Il se
grattait la barbe, l’air songeur.) Lors de notre retour vers Venise, en
Cappadoce, nous avons eu quelque chose de ce genre. Il pousse sur cette terre
une sorte de coquelicot sauvage, assez semblable à celui que nous connaissons,
d’un rouge éclatant, sauf que celui-là est d’une teinte bleu argenté. Du lait
de sa cosse, on peut extraire par décoction une huile soporifique aux
puissantes vertus médicinales. Je sentis que cela pourrait constituer une utile
adjonction aux simples qu’emploient nos médecins de l’Occident et entrevis le
profit que pourrait en tirer notre Compagnie. Je me mis donc en devoir de
collecter quelques graines de cette plante dans l’intention de les semer entre
les crocus de nos plantations vénitiennes. Voilà une chose exotique, n’est-il
pas vrai ? Et une occasion commerciale inouïe. Hélas, une guerre sévissait
alors en Cappadoce. De ce fait, ces champs de coquelicots bleus furent ravagés,
et la population locale fut si perturbée par ces troubles que je ne pus trouver
personne pour me fournir les graines. Quelle tristesse que de devoir laisser
filer une si belle occasion...
    Quelque peu stupéfait, je fis remarquer :
    — Vous vous trouviez au milieu d’une guerre, et
tout ce qui vous importait, c’était trouver des graines de coquelicot ?
    — Ah, la guerre est une chose terrible. Rien de
tel pour perturber le commerce.
    — D’accord, père. Mais je ne vois là aucune
possibilité de vivre une aventure.
    — Tu y tiens, ma parole, à cette aventure ! souligna-t-il d’un ton acerbe. L’aventure, pour autant que je me souvienne,
n’a jamais été qu’une source de difficultés et d’ennuis. Crois-moi, le voyageur
expérimenté fait tout, au contraire, pour éviter d’avoir à la rencontrer. Le
voyage le plus lucratif est celui qui a été le plus ennuyeux.
    — Oh..., m’étonnai-je. Je m’attendais plutôt à
des périls surmontés... des découvertes inattendues... ou des ennemis défaits,
des jeunes filles secourues, tu vois...
    — Ah, voilà le bravo qui revient !
tonna mon oncle qui nous rejoignait. J’espère que tu vas lui faire passer le
goût de ces niaiseries, Nico.
    — J’essaie, lui répondit doucement mon père.
L’aventure, Marco, n’a jamais apporté un bagatìn dans la bourse du
voyageur.
    — Mais la bourse est-elle la seule chose qu’un
homme se doive de garnir ? m’écriai-je. Ne peut-il rechercher autre chose,
dans la vie ? Que faites-vous de son appétit pour les prodiges, les merveilles
en tout genre ?
    — Ce n’est pas en cherchant les merveilles qu’on
les trouve, grogna mon oncle. Il en va de même pour le grand amour ou pour le
bonheur, qui sont de véritables trésors, à mon sens. Tu ne peux pas dire :
« Je vais partir et vivre une aventure. » Le mieux que tu puisses
faire, c’est te poster à l’endroit où elle est susceptible de survenir.
    — Parfait, dans ce cas, poursuivis-je. Nous voici
en route pour Acre, la cité des croisés, que la légende décrit comme riche en
exploits intrépides, en sombres secrets et en demoiselles drapées de soie. Un
endroit connu pour sa vie voluptueuse... Quoi de mieux ?
    — Pfff... Les croisés ! siffla mon oncle
avec dédain. Légendes, billevesées que tout cela. Il fallait bien

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