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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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j’apportais à notre légat, mais il ne veut pas prendre le risque d’un procès en excommunication sans avoir davantage de charges. J’opte donc désormais pour une solution plus modeste, mais à l’efficacité certaine : tuer tout simplement ce misérable seigneur de Gasquet, pour faire cesser ses exactions et couper court du même coup à tout risque d’une nouvelle provocation qui pourrait mettre le feu aux poudres. C’est très loin, bien sûr, de l’ambition de mon projet originel, car je ne ferai guère ainsi qu’arrêter les méfaits de la Confrérie Blanche. Mais ce sera toujours ça. Ma défunte mère m’a appris qu’il fallait parfois se contenter de peu et s’en consoler par la pensée que le mieux est souvent l’ennemi du bien.
    Yong se met à faire parler ses mains. Stranieri renchérit :
    — Je me doutais que tu m’approuverais. Cependant, reconnais avec moi qu’il serait quand même juste que ce bourreau souffre un peu. C’est pourquoi nous n’utiliserons pas notre bombe contre lui. Ce serait un châtiment trop doux que d’être déchiqueté d’un seul coup.
    Yong pose une autre question du bout des doigts, Stranieri hoche la tête négativement.
    — Non, ce n’est malheureusement pas moi qui m’en chargerai. Ni toi, d’ailleurs. J’y aurais eu un grand plaisir, pourtant. Par étranglement, par exemple. Je veux dire : un étranglement assez long, tu sais, comme un de ceux que tu m’as appris. Qui laisse le temps à sa victime de se sentir mourir, étouffer, hoqueter sans même pouvoir crier grâce. Avec des yeux exorbités, tout rouges de sang, tu vois ? Quelle joie j’en aurais éprouvée ! Ou bien ce supplice de ton pays, qui consiste à laisser un prisonnier le crâne exposé à une goutte d’eau qui tombe régulièrement, jusqu’à ce que la gêne se transforme en douleur, puis en atroce souffrance et finisse par le rendre fou. Mais c’est impossible. Il serait trop dangereux que je prenne le risque de me faire prendre et qu’on découvre que l’assassin d’un grand seigneur catholique est un envoyé du pape. Tu vois d’ici le scandale !
    Yong lui jette un regard intrigué.
    — Comment vais-je faire ? C’est très simple. En remettant à l’œuvre notre croisé, mais pour de vrai, cette fois, pas comme un faux coupable. Il va se charger de l’affaire pour nous. Et il réussira, tu verras ! C’est lui qui tuera cet abject chef de bande, ce soudard, ce reître. Je lui en donnerai le bon motif et l’occasion. Rassure-toi, il aura cette fois une bonne excuse à fournir s’il se fait prendre. Une excuse indiscutable, qui lui évitera la pendaison ou la hache.
     
    Au même moment, dans la cuisine des Paunac, les manches du bliaud retroussées jusqu’aux coudes, un tablier autour de la taille, les mains poisseuses de tripes, de fiel et de sang, Touvenel vide une énorme tanche avant de la passer à Yasmina afin qu’elle la nettoie dans un baquet d’eau. À côté de lui, le couteau à la main, Constance écaille carpes et truites sur une large planche de bois. Dans un autre grand baquet à ses pieds, des anguilles se tordent frénétiquement, avant d’être décapitées, puis écorchées.
    — Constance, ta nouvelle religion a peut-être ses mérites, mais pas celle de l’odeur ! plaisante le chevalier.
    — Les hommes sont vraiment des petites natures, riposte-t-elle aussitôt. La vue et l’odeur de la mort ne les effraient pas sur les champs de guerre, mais l’éventrement d’un poisson leur soulève le cœur.
    — Du poisson, rien que du poisson ! N’y aurait-il plus que ce mets au monde ? Toi que j’ai connue si gourmande, il y a seulement quelques jours !
    — Je peux toujours exercer ma gourmandise autrement, lui réplique Constance.
    Elle baise ses lèvres goulûment, avant d’ajouter en dilatant ses narines :
    — Moi, je ne crains pas l’odeur d’un homme qui a pourtant consommé ce matin tout un oignon blanc !
    Il y a désormais abondance de légumes, de fruits et de poissons dans la maison des Paunac, depuis que Constance s’est ralliée aux principes de son père et a proscrit toute nourriture qui viendrait d’un être vivant, les poissons exceptés. Une exception que Touvenel ne parvient toujours pas à comprendre. Les poissons ne seraient-ils pas des êtres vivants ? Heureusement pour lui, si son amoureuse, devenue « bonne femme », a décidé de faire maigre sur tout ce qui touchait à la nourriture et à la

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