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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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comme une statue, puis tourne le dos au troubadour, s’écarte de la charrette et part lentement sur le chemin, comme un homme ivre. Stranieri le voit enjamber le fossé, parcourir une friche en marchant de gauche et de droite et en décrivant des cercles. De loin, il lui semble le voir remuer les lèvres sans qu’aucun son n’en sorte. Au bout d’un moment, il le voit s’arrêter, puis revenir sur lui, l’air menaçant.
    — Dis-moi qui tu es.
    — Qui je suis ?
    — Oui. Qui tu es vraiment ?
    Stranieri reste un moment silencieux, hésitant.
    — Allons ! s’impatiente Touvenel.
    — Qui peut savoir qui il est vraiment ?
    — Tu n’es pas un vrai troubadour. Ou, du moins, tu n’es pas que cela. Quelqu’un d’autre se cache sous ton habit, j’en suis sûr.
    — C’est encore ton instinct de chasseur qui t’en a averti ? essaie de plaisanter Stranieri. Cette fois, il te trompe. Car je suis bien qui je suis. Qui je serai. Qui j’ai été. Et même parfois, qui je crois être.
    — Je n’ai pas confiance en toi.
    — Comme je te comprends ! Je n’ai déjà pas confiance en moi-même, s’amuse Stranieri.
    Touvenel, furieux, tire la dague de sa ceinture et la pointe sur le cou du troubadour. La lame entame légèrement la chair. Le troubadour pousse un cri tellement effrayant que le chevalier, surpris, recule légèrement le bras. Stranieri en profite pour sauter en arrière et se mettre en une curieuse posture de combat, jambes pliées, bras écartés du corps, mains en avant. Les deux hommes s’observent. Touvenel, toujours fou de colère, fonce sur le troubadour qui s’esquive, évite la lame, fait un demi-tour sur lui-même et lance sa jambe droite en l’air avec une rapidité et une vigueur qui surprennent son adversaire. Son pied vient frapper la main de Touvenel avec une telle violence qu’il lui fait lâcher son arme. Le chevalier se baisse pour la ramasser, mais pas assez rapidement. D’un bond, Stranieri le devance et, d’un autre coup de pied, envoie la dague glisser vers le fossé. Touvenel se précipite pour la récupérer, alors que, dans un bond aussi stupéfiant que les deux précédents, Stranieri abat le tranchant de sa main sur son crâne.
     
    L’autre monde, celui dont les « bons hommes » de Savignac lui ont parlé, Touvenel se dit qu’il pourrait bien y être parvenu. Mais ce qu’il entrevoit ne ressemble en rien à ce qu’il imaginait de l’Éden. Il flotte dans un univers glauque fait de tourbe, d’eau et de vents tourbillonnants. Des voix l’accompagnent et l’entraînent vers des profondeurs insondables. Un cri résonne à son oreille, un appel désespéré. Dans cet espace incertain où persistent encore quelques lueurs, il roule sur lui-même et sent l’obscurité l’engloutir. Est-ce la mort qui arrive ? Dans un éblouissement, il croit sentir à travers les tourbillons des vents les lentes caresses d’une femme qui se colle à son corps : sa main glacée tient son poignet et ses doigts entrent dans sa chair jusqu’à lui briser les os. C’est Esclarmonde qui l’embrasse de ses lèvres desséchées. Elle lui susurre qu’elle l’a attendu des années et que rien désormais ne peut les séparer. Elle l’entraîne encore plus loin dans l’obscurité. « Tu dois expier tes péchés avec moi », l’entend-il souffler à son oreille. « Seigneur ne me prenez pas tout de suite », supplie-t-il lorsque sa femme défunte l’enveloppe de son corps. Il donne un violent coup de pied sur une surface plane et dure qui s’offre à son appui. Une myriade d’étoiles éclate dans son crâne. Des bras le prennent sous les aisselles, le sortent du magma et le portent vers la surface. Une bouffée de chaleur l’envahit. Sa poitrine se gonfle, à l’air retrouvé. Il bat des bras et des jambes. À la lumière naissante, il aperçoit un visage qui lui sourit.
    — Désolé, chevalier, mais tu m’y as obligé, s’excuse Stranieri.
    Touvenel se frotte son crâne meurtri.
    — Je voulais seulement que tu me dises qui tu es.
    — Il y a façon et façon de demander. Et la tienne était fort déplaisante, conviens-en. Regarde la marque que tu m’as laissée, insiste-t-il en lui montrant son cou.
    Touvenel se relève, et fait quelques pas vers la charrette. Il s’appuie à son montant et fixe Stranieri.
    — Tu ne réponds pas à ma question. Es-tu un vrai troubadour ou quelqu’un d’autre ?
    Stranieri fait mine de

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