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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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boisson, ne buvant plus que de l’eau claire aromatisée à la menthe, elle n’a pas renoncé à la chair et à ses plaisirs. Elle s’y adonne chaque fois qu’elle le peut, avec autant de passion qu’au premier jour. Son frère Amaury, par contre, partagé entre le désir qu’il éprouve pour Yasmina et les recommandations de chasteté de la religion cathare, continue de se torturer l’âme en convoitant la jeune fille jour et nuit sans oser la toucher.
    Le saccage et les crimes opérés deux semaines plus tôt par la Confrérie Blanche sur les habitants de Savignac, au lieu d’inspirer de la crainte aux « bons hommes » et de les soumettre à la volonté de ces criminels, les a soudés davantage les uns aux autres. De nombreux catholiques se sont même rangés au côté des cathares, après qu’un des leurs, qui avait de justesse échappé au massacre, leur eut rapporté cet échange entre l’un des cagoulés et celui qui semblait le chef de l’expédition :
    — Les tuer tous ? Mais il y a aussi de bons catholiques, dans ce bourg, aurait remarqué le premier.
    — Qu’importe ! Dieu reconnaîtra les siens ! aurait répondu le second.
    Touvenel, d’un faux mouvement, fait jaillir sur lui les viscères de la tanche qu’il est en train de vider. Agacé, il se secoue maladroitement et les projette sans le vouloir sur Constance.
    — Tu vois ! Première leçon : ne pas se marier ! lance la jeune femme à Yasmina D’ailleurs, c’est un sacrement et, comme tout sacrement, il ne vaut rien.
    — Ne l’écoute pas ! réplique Touvenel, amusé. C’est encore un principe qui pue comme son poisson !
    Mais Constance poursuit pour la jeune fille :
    — L’union libre a cet avantage sur le mariage qu’elle ne représente point la soumission de la femme à son mari. Et comme elle repose sur l’amour égalitaire, elle est plus aisée à dissoudre d’une part comme de l’autre.
    Touvenel se débarrasse de son tablier. Il y essuie ses mains maculées de sang et d’écailles.
    — Belle façon de commencer une vie à deux, que de réfléchir déjà à la meilleure façon de la finir !
    Constance, un sourire aux lèvres, se campe devant lui.
    — Il faudra bien vous y faire, mon ami, car ce sont à présent les idées des femmes comme nous.
    Touvenel ne trouve pas de réponse. Son allure si comique provoque l’éclat de rire des deux femmes. Le chevalier renonce à prolonger la discussion et passe dans la cour attenante. Après avoir ôté son bliaud, il remonte un seau d’eau du puits. Il se le verse sur la tête, le torse et les bras, renouvelant plusieurs fois l’opération pour se débarrasser de cette odeur qui lui déplaît tant. Alors qu’il se sèche au soleil, Constance débouche soudainement derrière lui, affolée : elle a oublié d’aller à Narbonne livrer les vêtements qui ont échappé au saccage des cagoulés et d’en rapporter de nouveaux tissus.
    — Envoie donc ton frère Amaury, suggère le chevalier.
    — Je ne sais où il est. Et il me faut absolument participer à la réunion qu’organise mon père ce soir. Je dois servir le repas aux Parfaits qu’il réunit chez nous.
     
    Narbonne n’est plus très loin, et la poussière soulevée par un groupe de cavaliers qui vient de croiser sa charrette retombe à peine que Touvenel aperçoit la petite silhouette d’un homme immobile, assis sur le bas-côté du chemin. À environ trois cents pas, il ne peut pas distinguer ses traits, mais son allure générale lui rappelle quelqu’un de connaissance. Arrivé plus près de lui, il voit l’homme se lever et lui faire signe. Le luth accroché à son épaule ne lui laisse plus de doute sur son identité. Il avance encore un peu et arrête son cheval à sa hauteur.
    — Te revoilà ! Je te croyais en train de faire la tournée de plusieurs châteaux qui t’avaient invité.
    — Je l’ai terminée, il y a quelques jours, répond Stranieri.
    — Et ton petit moine, il n’est plus avec toi ?
    — Il devait retourner à l’abbaye de Fontfroide. Je lui ai laissé la charrette et j’ai continué à pied. Je comptais revenir à Savignac pour tenir la promesse que j’ai faite à ce jeune garçon, de lui apprendre quelques pas de danse d’un genre un peu particulier.
    — Abandonne cette idée. J’ai moi-même renoncé à apprendre à ces jeunes excités le maniement des armes. Ils en feraient trop mauvais usage. Mais je ne peux pas rester plus longtemps à

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