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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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laissé tout ce que j’aimais, orgueil et chevalerie. C’est peu vivre que de ne faire qu’un seul personnage », se surprend-il à penser, comme si deux hommes contradictoires s’opposaient et se combattaient en lui sans qu’il parvienne à décider lequel choisir : un sage désabusé et pacifique dans un monde qui n’est plus le sien, ou un nostalgique de l’action, de nouveau parti pour une folle aventure ? Mais quelle aventure ? Et y a-t-il encore place en ce monde pour l’aventure ?
     
    Descendu de sa charrette, laissant le soin au palefrenier de détacher le cheval et aux ouvrières de décharger la marchandise, Touvenel a tout de suite demandé aux femmes de l’atelier où était Constance. Elles lui ont répondu que leur patronne était partie tôt dans la matinée livrer des habits au bourg de Preixan et qu’elle ne rentrerait sans doute pas avant la fin de la journée.
    — Avec Amaury et ma fille aussi sans doute ?
    — Je ne crois pas, monseigneur, lui a répondu une ouvrière, un peu gênée, en biaisant du regard sans vouloir en dire plus.
    Intrigué, Touvenel s’est renseigné auprès d’une autre, puis d’une autre encore, pour apprendre – avec des sourires entendus – que les deux jeunes gens avaient décliné l’offre de Constance de l’accompagner et qu’ils avaient préféré faire ensemble un tour dans le jardin voisin et le verger pour s’y livrer à la cueillette.
    — La cueillette ? Quelle cueillette ? s’est étonné Touvenel.
    Un tour dans les environs immédiats n’a pas permis à Touvenel de les retrouver. Le cheval d’Amaury était à l’écurie. Les deux jeunes gens ne pouvaient donc que se trouver dans la maison.
     
    Belle, si chère et douce damoiselle, à vous je me donne et je m’octroie ; car n’aurai jamais de joie parfaite si je ne vous possède et si vous ne me possédez . Ainsi le jeune Amaury, qui a bien appris la leçon de Stranieri, paraphrase-t-il le troubadour. Sous cet assaut de mots, tous plus doux les uns que les autres, la jeune Mauresque, dont les yeux s’agrandissent et les joues se colorent, caresse tendrement le visage du cathare. Vous êtes la meilleure et la plus belle qui fut jamais. La jeunesse en sa fleur brille sur votre visage. Vos traits sont d’une si grande beauté, votre teint si enluminé et si juvénile, que je ne suis, ne puis et ne pourrai jamais être qu’à vous !
    Allongés sur le lit de Yasmina, tous deux se frôlent, s’effleurent, se cajolent, retardant d’autant leur union. Ils se savent trop inexpérimentés et maladroits pour parvenir en harmonie au paroxysme de leur désir. Yasmina, tremblante d’envie, chuchote des mots à l’oreille d’Amaury dans une langue qu’il ne comprend pas. Elle fait passer la cotte du jeune homme par-dessus sa tête et caresse sa poitrine. Lui, fébrilement, avec gaucherie, ouvre la chemise de la jeune fille, admire sa poitrine, se penche vers elle, hume son parfum, baise délicatement ses seins fermes. Ils se regardent en silence, se rapprochent l’un de l’autre. Leurs corps se touchent, leurs lèvres s’unissent, leurs souffles se mélangent, leur respiration s’accélère. Emportée par son désir, Yasmina repousse Amaury pour retirer ce qu’il lui reste d’habits. Elle se dénude entièrement, passe son bras autour de sa taille et se laisse tomber sur le dos en l’entraînant sur elle. Farouchement, ils s’embrassent et s’étreignent.
    Un fracas interrompt leur fusion. Ils se raidissent de crainte. Des pas lourds et précipités résonnent dans le couloir. La voix rude et grave de Touvenel tonne :
    — Yasmina ! Yasmina !
    La porte de la chambre s’ouvre. Éberlué, le chevalier découvre sur le lit sa fille qui se redresse pour lui faire face, sans prendre la peine de voiler sa nudité. Amaury, à peine vêtu à la hâte de ses chausses, ramasse précipitamment ses bottes et son surcot. La sortie par la porte lui semblant trop périlleuse, il préfère sauter par la fenêtre. Touvenel s’y précipite, mais il n’a que le temps de voir le jeune homme s’éloigner en courant.
    — Fille indigne ! s’emporte-t-il face à Yasmina, qui n’a pas bougé de sa couche. Honte sur toi ! Tu attendais mon absence pour te conduire ainsi. Tu as fauté. Tu as trahi ma confiance.
    Au lieu d’afficher un air contrit, d’avoir un geste de repentance ou d’implorer son pardon, Yasmina se lève du lit et marche sur lui en déversant un flot de paroles

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