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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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s’offusquer.
    — Quelle obstination ! Songe à quel point ta question est offensante. Est-ce que je te demande, moi, si tu es un vrai chevalier ou une ombre errante ?
    Touvenel le dévisage encore un moment, puis esquisse soudain un geste d’indifférence.
    — Garde tes mystères, alors. Mon seul souci est d’être sûr que tu m’as dit la vérité.
    — Il y a une façon très simple de t’en assurer.
     
    Une fumée s’élève, au sommet du promontoire qui domine le paysage désolé, aux buissons d’épineux et aux maigres oliviers. Touvenel et Stranieri peinent, à pied, sur la pente escarpée de la roche ocre. La poussière soulevée par le vent s’incruste sur leurs visages et leurs vêtements.
    Aussitôt après avoir livré ses vêtements à l’atelier de Narbonne et chargé les tissus qu’il doit rapporter à Constance, le chevalier a repris sa route et décidé de passer au roc de Mouillet. Stranieri a insisté pour l’y accompagner, il a accepté. À quelques lieues de Narbonne, la nuit venue, les deux hommes ont dû s’arrêter et bivouaquer dans une étable abandonnée. Ils y ont dormi à même le sol, avant de repartir au petit matin. Il leur a fallu encore quatre bonnes heures de route avant de parvenir au pied du roc, où ils ont dû laisser leur cheval et leur charrette.
    Au sommet du pic, à l’extrémité d’une courte plate-forme, un moine barbu, en robe de bure, la taille serrée par une simple corde, se chauffe devant un feu dérisoire. Il se lève à leur approche et les regarde venir vers lui sans manifester aucun sentiment ni leur faire aucun signe. À deux pas de l’homme, Touvenel se fige. Stranieri l’imite. Le moine barbu garde les yeux fixés sur le chevalier.
    — Tu me reconnais ? demande Touvenel.
    — Oui, répond l’ermite.
    — Tu devines pourquoi je suis là ?
    — Oui, répète-t-il.
    — Est-ce que je dois considérer tes paroles comme un aveu ?
    L’homme lève les yeux vers le ciel, se signe, puis murmure, le regard absent :
    — J’ai toujours su que ce jour viendrait.
    — Si c’est à Dieu que tu t’adresses, raille Touvenel, tu ferais bien de parler plus fort, il ne t’entend pas. Il n’entend personne. Il est sourd.
    — À quoi bon risquer l’excommunication pour tes blasphèmes ? demande l’ermite.
    — Qui la prononcera, si personne ne m’entend ?
    Touvenel sort la dague de sa ceinture et la pointe vers l’ermite, qui recule d’un pas.
    — C’est moins facile, quand on est en face d’un homme, n’est-ce pas ? Surtout d’un homme armé, non ?
    L’ermite ne répond rien. Touvenel reprend :
    — À présent que je t’ai retrouvé, je veux que tu me confirmes ce que je sais. C’est bien toi qui as pillé et incendié mon château et violé ma femme ?
    — Pourquoi me poses-tu la question, si tu le sais ?
    Touvenel ne trouve rien à répondre. L’ermite jette un coup d’œil vers Stranieri, se demandant sans doute ce que ce troubadour fait là, au côté de celui qu’il attendait après s’être retiré du monde des vivants. Stranieri lui répond, à la place du chevalier :
    — Parce qu’il lui faut l’entendre de ta propre bouche.
    Devant le silence de l’ermite, Touvenel marche sur lui et pointe sa dague sur son cou. L’homme ne tressaille aucunement. Un sourire amusé éclaire au contraire son visage.
    — Si tu m’enfonces ton arme dans la gorge, je ne risque pas de parler.
    Saisi par cette évidence, Touvenel laisse retomber son bras.
    — Allons, parle de toi-même sans qu’on t’y force, l’exhorte Stranieri. Dis-nous la vérité.
    L’ermite détourne ses yeux de Touvenel et regarde le troubadour. C’est à lui qu’il se confie soudain :
    — J’ai bien participé au pillage et à l’incendie du château de Carrère. Je ne sais comment vous l’avez appris, mais, puisque Dieu a voulu que je vous le confirme, c’est ce que je fais.
    Et Touvenel de demander, d’une voix blanche :
    — Est-il vrai aussi que tu as forcé ma femme ?
    L’ermite se retourne vers lui, une lueur de douleur dans ses yeux. À voix basse, il avoue :
    — C’est vrai, je l’ai forcée. J’avais bu, j’étais comme fou.
    Il tombe à genoux, tête baissée, devant le chevalier.
    — Pardon. Pardon. Je te demande pardon, comme je l’ai demandé à Dieu.
    Touvenel l’attrape par les cheveux et les lui tire en arrière, pour l’obliger à le regarder dans les yeux.
    — Et est-il vrai que vous

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