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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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étiez même deux à le faire en même temps ?
    La stupeur se lit sur le visage de l’ermite.
    — Comment as-tu appris cela ? Personne ne le sait que nous.
    — Réponds à ma question.
    — C’est vrai ! concède l’ermite, d’une voix presque inaudible.
    — Qui était l’autre ?
    — Je ne peux parler que pour moi. C’est à lui de se livrer. Ou c’est à toi de le trouver, comme tu viens de le faire avec moi.
    — Je veux son nom, insiste Touvenel.
    Au lieu de lui répondre, l’ermite entame un Pater.
    — Son nom ! hurle le chevalier.
    Mais l’ermite continue de psalmodier son Pater. Touvenel, d’une poigne terrible, l’oblige à se relever et le traîne sur la plate-forme, jusqu’au bord du précipice.
    — Son nom, ou saute !
    L’ermite cesse de psalmodier. Il fixe Touvenel droit dans les yeux.
    — La mort ne me fait pas peur. Je me suis repenti. Le Seigneur m’a pardonné. Il m’accueillera dans son Paradis.
    La fureur envahit de nouveau l’esprit de Touvenel.
    — Un homme comme toi ! Tu vas t’y ennuyer. Choisis plutôt l’Enfer !
    Et, d’un coup sec de sa dague, il lui tranche la gorge. L’ermite, un air de surprise sur le visage, s’écroule sans pouvoir émettre un son. Le sang gicle partout autour de lui. Il porte les mains à son cou, dans une tentative dérisoire d’endiguer l’hémorragie. Touvenel lui donne un violent coup de pied dans les reins. L’ermite bascule dans le vide. Stranieri s’approche du précipice en esquissant un rapide signe de croix vers le corps écrasé.
    — Dommage ! Il ne t’a pas dit le nom que tu voulais entendre.
    Touvenel préfère regarder ailleurs, loin devant lui.
    — Quelle importance, puisque tu l’as fait à sa place, et que, maintenant, je te crois.

21.
    Touvenel se voudrait chevalier fougueux.
    Il passerait au galop le pont sur l’Aude, ferait voler sous les sabots de sa monture les pierres du chemin. Il fendrait l’eau du gué de Peyras, se faufilerait à travers les futaies, penché sur l’encolure de la bête, se saoûlerait de galop dans l’air frais du plateau. Il sauterait par-dessus les dernières roches du pas de Dieu et descendrait vers la vallée, affolant les troupeaux de chèvres et effrayant les paysans, pour déboucher sur la place de Savignac et, tel un fou débordant de passion, il bousculerait servantes et ouvrières de la maison Paunac et serrerait Constance dans ses bras avec cette force qu’il sent revivre en lui, cet amour trop grand pour lui, cette sève de jeunesse qui gonfle ses veines d’un sang nouveau.
    Au lieu de crier de joie dans cette folle cavalcade, Touvenel peste contre le cheval qui, à son goût, n’avance pas assez vite. Après avoir déchargé sa charrette et réglé son compte à Godefroy, son ancien compagnon de jeunesse, il a quitté Stranieri pour livrer à Constance les riches étoffes orientales, le cuir d’Espagne et les rouleaux de tissus dont elle a besoin pour son atelier. Le troubadour lui a assuré que son métier d’amuseur lui permettait de pénétrer les milieux les plus fermés. En route pour la cour du comte Raymond VI, il s’est fait fort de venir rechercher Touvenel quand il saurait comment lui procurer l’occasion d’affronter Guillaume de Gasquet d’homme à homme, et non dans un combat inégal. Touvenel a décidé de lui faire confiance et d’attendre.
    Il a beau claquer des rênes, encourager sa monture, l’aiguillonner, la pauvre bête renâcle à forcer l’allure. « Je ne suis qu’un misérable convoyeur de marchandises. Moi, Bertrand de Touvenel, seigneur de Carrère, me voilà réduit à cahoter interminablement sur un chemin creusé d’ornières par une cohorte de charrettes toutes plus vilaines les unes que les autres. » Il en arriverait presque à regretter tout ce qu’il croyait exécrer, ces moments d’exaltation où, au sein de l’ost, fanions et gonfanons hauts dans le ciel clair, tunique au vent, épée au côté, il croyait entendre monter par-dessus le fracas de la chevauchée le chœur des chevaliers :
    J’ai grande allégresse
    Quand je vois en campagne rangés
    Chevaliers et chevaux armés
    Il me plaît aussi le seigneur
    Quand le premier il se lance à l’assaut,
    Sur son cheval armé, sans frémir
    Pour faire les siens enhardir
    De son vaillant courage
    Se trouver, tel un vulgaire marchand, à l’avant d’une charrette de tissus tirée par un banal cheval de trait, lui chagrine l’humeur. « J’ai

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