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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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en arabe. Touvenel n’en comprend que quelques mots, mais en saisit parfaitement le sens insultant. Il recule devant elle, redoutant le contact de sa peau nue, intimidé par la vision de ce corps encore enflammé par le désir qu’il a interrompu. Et c’est lui qui baisse les yeux, s’engageant maladroitement, toujours à reculons, dans le couloir étroit. Coincé en haut du palier, il ne peut aller plus loin. Yasmina plonge la main vers sa ceinture et s’empare de sa dague, mâchoires serrées, comme si elle allait lui percer le ventre. Ils restent ainsi quelques instants, figés, s’affrontant du regard.
    — Eh bien, fais-le ! la défie-t-il. N’hésite pas si tu en as le courage. Tu serais donc capable de tuer ton père ?
    C’est elle, maintenant, qui faiblit. Reculant de deux pas, elle prend la dague par la lame, et avec un cri de rage la lance aux pieds de Touvenel. L’arme se fiche dans le parquet. Il se baisse pour la ramasser, encore vibrante. Quand il relève les yeux, le couloir est vide. La porte claque avec fracas. Yasmina s’est enfermée dans sa chambre en hurlant qu’il est redevenu mauvais, comme tous ces chiens de croisés, et qu’elle ne veut plus le voir. Le galop d’un cheval attire l’attention du chevalier. Touvenel n’a que le temps de dévaler l’escalier et de sortir, pour apercevoir Amaury sur sa monture lancée au triple galop, contourner l’église et disparaître au tournant du chemin de Preixan.
     
    — Seigneur Dieu, accorde nous soleil et pluie ! psalmodie un groupe de villageois, en promenant un mannequin de tissu blanc, bourré de paille, symbole du gel, sur lequel tous s’acharnent à coups de bâton.
    — Seigneur Dieu, tu nous as donné la vie, préserve-nous des calamités, des inondations et de la sécheresse ! crie un autre groupe, en frappant un autre mannequin de bois noirci à la fumée.
    — Seigneur Dieu, tu nous as donné le pain, accorde-nous le blé et le froment !
    — Bénis nos champs et notre terre, qu’ils soient fertiles et florissants !
    — Tu nous as donné la vie, tout vient de ta main, nous te chantons merci !
    — Seigneur Dieu, tu es le vrai berger, protège nos brebis !
    Sur la petite place du bourg de Preixan, les villageois, précédés d’une fanfare de chalumeaux, célèbrent la fête de la Sainte-Barbe, patronne de la fécondité.
    Lorsque Touvenel s’engouffre dans leur procession au galop de son cheval, nul ne s’en offusque. Absorbés dans leurs litanies et conduits par le curé qui asperge la terre d’eau bénite, ils n’ont qu’une idée en tête : la bénédiction de leurs champs et de leurs prés. « Drôles de superstitions, surtout s’ils savaient que le Dieu auquel ils s’adressent n’existe pas ! » raille intérieurement Touvenel, en attachant son cheval à l’anneau de l’église. Peu lui importe, d’ailleurs, ce genre de célébration. S’il a forcé son cheval de Savignac jusqu’ici, c’est pour rattraper Amaury et retrouver Constance. Mais il a beau les chercher dans la foule, il ne les voit ni l’un ni l’autre. Sa recherche forcenée, bousculant les fêtards et défaisant l’ordre de la procession, commence à agacer. Manants, paysans et bourgeois, regardent de travers ce personnage qui se donne des airs de seigneur.
    S’en rendant compte, il réfrène un peu sa précipitation et prend le temps de se mêler à ceux qui s’esbaudissent devant les jongleurs de balles et le montreur d’ours. Un peu plus loin, dans la halle aux grains, des musiciens juchés sur des barriques soufflent dans leurs cornemuses. Des joueurs de nacaires, pour rythmer les danses, battent leurs tambourins attachés par paires à leurs hanches. Touvenel croit apercevoir une guimpe blanche, la seule femme, dans cette agitation, à porter une coiffe parmi les couples de femmes aux cheveux défaits et des hommes aux chapeaux de feutre. La jalousie soudain le prend. Constance se mêlerait-elle aux festivités populaires avec des danseurs dont elle attiserait la convoitise ?
    Il s’agit bien d’elle en effet, qui s’amuse, rit et danse en passant son bras sous celui d’un jeune et jovial paysan à la tignasse rousse, aux yeux rieurs et au corps souple et musclé. Touvenel imagine, dans cette simple complicité ludique et dans leur jeu de séduction mutuelle beaucoup plus qu’il n’en paraît. Surtout qu’après avoir aperçu Constance qui jetait un regard dans sa direction, il se convainc qu’elle

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