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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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chemin de Notre-Seigneur, dispose de moyens autres que sa seule parole.
    Le pape et Ambrogiani échangent un rapide regard. Ambrogiani, d’une mimique, semble approuver ce que vient de dire Stranieri. Innocent III se retourne.
    — Bon. Alors, explique-nous votre invention.
    Stranieri et frère Yong se regardent avec embarras.
    — C’est que, Très Saint-Père, dans ces sortes d’affaires, tant qu’elles ne sont pas encore abouties, il est bon de garder le secret le plus absolu.
    — Le secret pour des hommes comme nous ! Un pape et un cardinal ! Mesures-tu ton insolence ? Crois-tu que je n’aie pas les moyens de faire parler ton assistant, si je l’ordonne ?
    Stranieri affecte un air contrit.
    — Ce serait difficile, Lotario. As-tu oublié que frère Yong n’a plus de langue ? Les Grecs la lui ont coupée, dans l’île de Chypre, il y a plus de dix ans, après lui avoir volé l’argent qu’il transportait pour commercer avec eux. Et si je n’étais pas passé par là au bon moment, il est probable qu’il ne serait plus des nôtres aujourd’hui. Veux-tu qu’il te la montre une fois de plus, pour que tu vérifies ?
    Le moine asiatique ouvre grand la bouche et s’approche d’Innocent III en tirant de sa gorge deux sons effrayants. Le pape sursaute et détourne la tête.
    — Ah non ! Épargne-moi ça !
    Frère Yong referme la bouche et recule de quelques pas en s’inclinant. Innocent III le considère un moment et le bénit d’un rapide signe de croix, avant de revenir à Stranieri.
    — Une invention venue des pays du Levant ? Si frère Yong ne peut pas parler, j’exige que, toi, tu nous expliques de quoi il s’agit.
    Stranieri sent qu’il ne pourra pas esquiver cette demande. Désignant les morceaux de roches noircies qui jonchent le sol et le trou béant dans le mur qui les sépare du cloître, il commente avec un sourire satisfait :
    — Tu peux voir la puissance de cette arme. Si nous réussissons à la maîtriser et à en user comme d’une menace, nous n’aurons même pas besoin de nous en servir.
    — Que veux-tu dire ?
    — Qu’avec elle, toute guerre se finira avant de s’entreprendre. La crainte qu’elle inspirera suffira à décourager ceux qui voudraient nous résister.
    D’un index accusateur, Innocent III désigne une niche dans la cloison près de la brèche, où une statue de la Vierge Marie, décapitée, oscille dangereusement sur son socle.
    — Même si tu dis vrai, n’as-tu pas réalisé, avant de commencer ton expérience, que cette salle était consacrée à notre Très Sainte-Mère ?
    Stranieri s’agenouille pour faire acte de contrition. Le regard baissé, il poursuit :
    — C’est ma faute, en effet. J’ai demandé à frère Yong de joindre trop de poudre noire à la blanche. Mais nous allons y remédier, Très Saint-Père, et nous nous garderons à présent de pratiquer nos expériences dans un lieu fermé, je te le promets.
    — Une poudre noire, une poudre blanche ! s’étonne Ambrogiani. Mais de quelles poudres parles-tu donc ?
    Stranieri jette un coup d’œil ennuyé à Innocent III.
    — Faut-il vraiment que j’entre dans tous les détails de notre expérience ? Cela risque d’être un peu fastidieux.
    — Je te l’ordonne !
    Résigné, Stranieri se lance dans l’explication :
    — En cherchant une drogue qui leur aurait permis de vivre toujours, les hommes du pays de Yong ont découvert une substance qui pourrait au contraire les tuer par millions.
    — Voilà comment Notre-Seigneur punit ceux et celles qui prétendent rivaliser avec la création divine, soupire Ambrogiani.
    — Sans doute. Toujours est-il que, pour trouver cet élixir d’immortalité, ils ont fabriqué une poudre particulière à partir d’une roche qui existe chez eux en grande quantité.
    — Qu’a-t-elle de si particulier ?
    — Si l’on chauffe par exemple un morceau de quartz blanc et qu’on dépose sur lui une fraction de cette poudre, elle s’y enfonce comme un caillou le fait dans l’eau.
    — Tu veux dire qu’elle le dissout ?
    — À peu près.
    — Et comment les hommes du pays de Yong fabriquent-ils cette poudre ?
    — En grattant un sol qu’on ne trouve que dans certaines de leurs régions. Un sol qui est plein de sel. Ils le laissent ensuite s’égoutter et le filtrent.
    — Et la poudre ainsi obtenue dissoudrait les pierres !
    — Les livres de leurs hommes de science, qu’on nomme les taoïstes,

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