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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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parvient à se glisser au premier rang des admirateurs qui font cercle autour du comte de Toulouse. Du haut de sa monture, Raymond VI lève la main et impose le silence. Il contemple un moment ce grand rassemblement comme un sénéchal jaugerait son armée de gueux, puis ôte son feutre et le jette en l’air afin qu’on puisse mieux le voir et juger de sa prestance. Le soleil dessine autour de ses cheveux une couronne d’or éblouissante. Il se dresse soudain sur ses étriers. Troubadours et musiciens n’attendaient que ce signal pour reprendre leurs musiques. Raymond VI se lance au galop et fait le tour de place. Des gerbes d’étincelles naissent sous les fers des sabots. Autant d’étoiles que les gens de son peuple, magnétisés par son aura, convaincus de sa puissance et de sa légitimité, cherchent à récupérer dans la paume de leurs mains. S’ils n’y trouvent trace, ils restent persuadés que le ciel a encensé leur seigneur pour leur plus grand bien. Trois fois, Raymond VI tourne ainsi autour d’eux dans le roulement divin de sa cavalcade, trois fois au-dessus de la cour pavée leur comte semble voler comme un aigle royal. Il tire enfin sur ses rênes et fait cabrer son cheval devant un groupe d’hommes en noir à la mine sévère, parmi lesquels Stranieri reconnaît le Parfait Paunac. Lentement, d’une voix forte, afin que tous puissent bien l’entendre et le comprendre, il évoque le prochain débat théologique qui aura lieu à l’abbaye de Fontfroide entre cathares et catholiques :
    — Moi Raymond, comte de Toulouse, protecteur de la gente occitane, vous me savez chrétien et tolérant. S’il existe deux Églises en compétition dans mon bon pays, qu’elles débattent et argumentent en toute quiétude de ce qui peut être bon ou mauvais au royaume de Dieu. La place du comte de Toulouse n’est pas de mise dans ces réunions, je ne m’y rendrai donc pas. Mais sachez tous que je ne saurais tolérer qu’un parti puisse tenir contre l’autre le langage de la violence. Je veillerai à ce que tout se passe dans le calme, la dignité et l’honneur. Que la paix bénisse encore longtemps notre belle Occitanie !
    Changeant de registre, plus grave, il s’adresse au groupe des Parfaits :
    — « Bons hommes », Pauvres du Christ, je vous honore comme je respecte ceux de l’Église de Rome. Je ne veux aucun incident. Aussi, veillez bien à Fontfroide à ce que vos gens assurent l’ordre, ignorez les provocations auxquelles vous pourriez vous heurter et craignez ma foudre si vous défiez mes consignes.
    Après avoir reçu leur assentiment, d’une inclination de leur tête, Raymond VI se penche vers Philippe de Paunac.
    — Diacre, contiens tes troupes ! Je soupçonne les catholiques de chercher le prétexte qui permettrait au pape de déclencher la croisade et de la mener par le biais du roi des Franciens. Le Mal Peigné, une fois ses comptes réglés avec l’Anglais, s’empresserait sans doute aussitôt, paré de l’armure de la foi et armé du glaive de l’Esprit-Saint, de venir sur nos terres avec la bénédiction d’Innocent III. Ne lui en laissons pas l’occasion. J’ai appris qu’un jeune cathare du bourg de Savignac, s’était récemment attaqué à frère Dominique. Veille à ce qu’il ne recommence pas, à l’occasion de cette rencontre. Tu sais sans doute pourquoi c’est à toi que je m’adresse ?
    Philippe de Paunac baisse les yeux, comme s’il consentait à recevoir le reproche qui lui est fait. Raymond VI, l’air sévère, précise, à l’attention des autres :
    — Il se nomme Amaury de Paunac.
    Et, revenant sur Philippe de Paunac :
    — Alors, surveille-le bien !
    Philippe de Paunac, la tête baissée, s’agenouille devant le comte pour lui marquer son assentiment. Les autres Parfaits autour de lui en font autant. Une partie des gens rassemblés derrière eux les imite. Le regard de Raymond VI tombe alors sur Stranieri, resté debout. Celui-ci lève sa main gauche de façon à rendre sa bague bien visible, laquelle concentre les rayons du soleil dans son diamant et les reflète intensément vers Raymond VI. Le comte lui jette un coup d’œil surpris, puis comprend aussitôt.
    — Toi, le marchand, suis-moi à l’intérieur. J’ai à te parler.
    Et, tournant bride, il dirige son cheval vers l’entrée du château, à l’autre bout de la cour.
     
    Raymond VI a congédié ses serviteurs pour rester seul avec Stranieri, devant le feu

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