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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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crucifix ni ta robe de bure ne te protègeront.
    Une goutte de sang perle déjà à la racine du cou de Yong.
    — Montre-lui, Yong ! hurle Stranieri.
    Yong, en ouvrant grande la bouche, se penche en avant, de façon que Gasquet distingue bien l’intérieur de sa gorge. Celui-ci retire sa dague et recule, avec une grimace de dégoût.
    — Vous comprenez à présent, monseigneur, pourquoi je parle à sa place, intervient Stranieri, en venant poser sa main droite protectrice sur l’épaule de son compagnon. Sa langue a été tranchée à Chypre. Une bande de Grecs, de fort bons chrétiens, s’étaient inquiétés qu’il ne partageât point leurs croyances et avaient décidé de le découper morceau par morceau, pour le convaincre d’en changer et voir en même temps si les gens de son peuple étaient faits comme ceux du nôtre. Ils ont commencé par lui sectionner la langue pour l’empêcher de crier, et c’est alors que je suis arrivé.
    Gasquet reste un moment silencieux.
    — Que faisais-tu donc là-bas ?
    — J’étais le troubadour d’un riche marchand occitan parti faire du commerce en pays lointain. Il ne voulait pas renoncer à ses musiciens et à ses jongleurs de mots. C’est ainsi que j’ai pu sauver cet homme en assurant les Grecs que je me faisais fort de le convertir à la religion chrétienne et que cela serait d’un grand bénéfice pour notre Église, car elle pourrait l’envoyer en mission dans son pays convertir à son tour d’autres petits hommes jaunes.
    Au murmure de curiosité de l’assistance rassemblée autour de Yong pour voir de plus près cet étrange personnage, Gasquet oppose une mine pensive.
    — Le découper en morceaux ? L’idée n’est pas mauvaise. C’est un grand mystère que les différences entre les hommes. Nous en apprendrions sans doute quelque chose.
    S’écartant, il proclame vers ses hôtes :
    — Couper leur langue aux hérétiques serait peut-être une solution pour les empêcher de propager leur doctrine ?
    L’assemblée rit de la plaisanterie. Content de son effet, Gasquet s’adresse à Stranieri :
    — Qu’en dis-tu, Lestranger ?
    — C’est une idée que plus d’un a eue avant vous, monseigneur, mais elle bute sur une difficulté majeure.
    — Laquelle, troubadour ?
    — Comment sauver leurs âmes, si elles restent murées dans le silence ?
    Le silence tombe sur la salle.
    — C’est juste, admet Gasquet.
    S’écartant soudain du groupe des convives, il fait sauter sa dague dans sa main et va contempler le déclin du soleil à travers l’une des fenêtres en ogive de la salle. Quelques secondes passent avant qu’il se retourne en souriant et lance à la cantonade :
    — Rouge comme le sang ! Il ne fera pas bon, pour les hérétiques, de dire leur consolamentum demain.
    Puis, d’un air faussement dubitatif, il désigne Yong à Stranieri.
    — Crois-tu vraiment que ces sortes d’êtres ont une âme ? Une âme comme la nôtre ?
    Stranieri lui répond par un geste d’ignorance.
    — C’est le même problème que pour les chiens, les ânes ou les poules, et, d’une façon générale, pour toutes les créatures vivantes dont le Seigneur a cru bon de nous entourer.
    Gasquet revient vers Yong et tourne autour de lui, en jouant d’une façon menaçante avec sa dague. Il pointe soudain son regard acéré dans celui de Stranieri.
    — Si tu ne sais rien de son âme, réponds-tu au moins de sa foi ?
    — Autant que de la mienne ! affirme Stranieri.
    — C’est cela, troubadour ! se moque Gasquet. Tu en réponds, comme d’avoir joué de la harpe sous les murs de Constantinople pendant que nous égorgions les infidèles ! Vas-tu continuer encore longtemps à m’abuser ? Sache que j’ai entendu parler d’un Stranieri, là-bas. Il était négociateur. Personne ne savait trop quel rôle il jouait, mais on le craignait. Il se serait chargé, disait-on, d’affaires obscures pour le compte du Saint Siège.
    — En quoi cela me concerne-t-il ? s’étonne Stranieri.
    — On disait aussi, poursuit Gasquet, que ce « frère Stranieri » avait fait assassiner celui qui devait succéder à Alexis, le patriarche de Byzance, afin que puisse monter sur le trône impérial Baudoin, le comte de Flandres.
    — Que Dieu, dans sa grande miséricorde, absolve ce démon de ses péchés, si ce que tu dis est vrai.
    Gasquet approche son visage tout près de celui de Stranieri, presque front contre front. Il reste ainsi un

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