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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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renchérit :
    — Existe-t-il encore une fleur dans vos cœurs ? Les riches se goinfrent d’or, tandis que les pauvres errent dans leur misère. Le ciel se charge d’orages terrifiants. Ô Seigneur, aie pitié des malheureux ! Et vous, prenez garde au jour de l’Apocalypse !
    Si la majorité des hommes et des femmes présents se détourne et se presse d’entrer dans l’église pour échapper aux invectives du malheureux, Touvenel remarque qu’un homme accorde son attention à ce pauvre hère. Âgé, élégant, vêtu de noir, il est accompagné d’une jolie femme, les bras chargés de rouleaux de tissus. L’homme semble gratifier le mendiant de quelques mots de réconfort et le convie à entrer dans une demeure à balcon et colombages, de l’autre côté de la place.
    À peine la porte s’est-elle refermée sur eux qu’elle se rouvre sur la femme débarrassée de ses rouleaux de tissus. Elle se couvre de la guimpe blanche des veuves, dissimulant presque entièrement son visage, et se hâte de traverser la place pour gagner l’intérieur de l’église.
     
    — Assez de débats ! Assez de joutes oratoires ! s’époumone un homme debout devant l’autel, encadré de son écuyer et de ses hommes d’armes.
    Crucifix en argent sur la poitrine, il fait face à la foule curieuse. Le prêtre, encadré par deux prélats, reste en retrait derrière lui, dans l’ombre de l’abbatiale, et semble se garder d’intervenir. L’homme tonne :
    — Je ne suis pas favorable à ces débats avec les hérétiques que frère Dominique veut instaurer, dans l’espoir de les convertir. À quoi sert de débattre de vérités révélées et reconnues comme telles par notre sainte Église, comme si elles pouvaient être sujettes à discussion ? Toute discussion ne fait en réalité qu’introduire le doute dans l’esprit des plus faibles, et nous ne gagnerons rien à tenter de ramener à nous ceux qui refusent tous nos sacrements.
    Touvenel est parvenu aux premiers rangs de l’assemblée. Yasmina ne l’a pas suivi, préférant l’attendre au-dehors, de peur de provoquer un scandale inutile en pénétrant dans l’église sans coiffe pour couvrir ses cheveux. Scrutant les traits de l’homme qui prêche, le chevalier cherche à mettre un nom sur ce visage qui ne lui semble pas inconnu. Les paroles du discours résonnent sous les voûtes de l’église.
    — Soyons plutôt convaincus que, si ces hérétiques continuent à propager dans notre pays leur fausse religion comme une gangrène, il n’y a de salut que dans une croisade armée pour les ramener dans l’Église de Dieu, une croisade à la mesure de celles que notre chrétienté a déjà menées contre les infidèles !
    Un murmure parcourt la foule. Touvenel frémit. Comment cet homme peut-il appeler de nouveau à des aventures aussi sanglantes, et pourquoi les prélats qui sont à ses côtés le laissent-ils faire ? « Une croisade menée par qui, pour quel motif, et contre qui ? » s’interroge le chevalier. On s’agite autour de lui. Des groupes bien distincts se forment à l’intérieur de l’église. Un paysan, reconnaissable à sa tunique et à ses chausses de coutil, s’avance vers l’autel. L’orateur l’aperçoit.
    — Tu veux parler ? N’aie pas peur. Notre église est le lieu de tous. Donne-nous ta pensée.
    L’homme triture son chapeau entre ses gros doigts.
    — Monseigneur, si vous menez croisade, comment reconnaîtrez-vous les bons catholiques de ceux que vous appelez des hérétiques ? En Terre sainte, on peut distinguer les infidèles à leur costume ou à la couleur de leur peau. Mais ici, nous portons tous à peu près les mêmes habits, nous parlons la même langue, nous chantons les mêmes chansons, nous mangeons la même cuisine…
    — Et nous baisons les mêmes femmes ! s’esclaffe un homme dans la foule.
    L’assemblée part d’un rire communicatif et tonitruant. Touvenel aperçoit la belle bourgeoise à la guimpe blanche, cachée derrière un pilier. Il remarque son sourire discret, provoqué moins par la plaisanterie que par l’embarras du seigneur qui discourait. Au signe d’agacement de celui-ci, à un tressautement incontrôlable de son épaule droite, Touvenel le reconnaît : « Guillaume de Gasquet ! » Le chevalier se souvient du jour où sa femme Esclarmonde l’avait préféré à lui. Gasquet avait été secoué par le même mouvement d’épaule. Comme il a changé, le compagnon de ma

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