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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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dans une église ? » Il ne s’attarde pas à y réfléchir et s’en veut soudain d’être sorti de sa réserve. Il ferait mieux de se garder de trop parler, lui qui prétend ne plus vouloir se préoccuper des affaires du monde.
    L’homme d’armes qu’il a projeté au sol profite de son inattention pour se relever et sortir sa dague. Gasquet intervient au moment où il va se précipiter sur lui.
    — Suffit ! On ne se bat pas dans une église.
    Touvenel jette un regard de mépris à l’homme et aux prélats qui se sont abstenus d’intervenir quand un de leurs paroissiens était roué de coups. Il toise encore Gasquet, puis tourne le dos et remonte l’allée centrale au milieu de la foule qui s’écarte devant lui.
     
    Passé le porche de l’église, un vertige le saisit. Il s’appuie à un muret. Dans ses yeux aveuglés par la violente lumière du dehors se mêlent, comme dans la danse macabre peinte sur le mur qu’il vient de longer, un étrange ballet équestre. Entraînées par le squelette de la mort à cheval, Esclarmonde, Yasmina et la belle à la guimpe galopent autour de lui, resserrant de plus en plus leur cercle jusqu’à l’étouffer. Les sabots des chevaux frappent le sol, arrachent les pierres. Ses tympans éclatent. Il croit revoir les sanglantes chevauchées de la prise de Byzance. Au-dessus de lui, dans un cri déchirant, l’aigle du blason des Touvenel ouvre ses serres et libère la vipère qui vient s’enrouler autour de son cou ! Il pousse un cri. Passe sa main devant ses yeux. Se débat pour sortir de l’envoûtement.
    Depuis le coup reçu à Constantinople, son esprit s’égare ainsi, dans les moments de grande émotion. Des éblouissements le tourmentent. Des pensées morbides l’obsèdent. Il doit, pour les surmonter, faire un tel effort qu’il en sort chaque fois en sueur, plus pâle qu’un mort, les jambes faibles, la poitrine dans un étau, ne sachant plus s’il erre déjà dans l’au-delà ou s’il est encore vivant sur terre. Depuis qu’il sait Esclarmonde disparue à jamais, il attend la mort à chaque pas, sans la désirer ni la craindre. Il la sent arriver comme la fin d’une prison invisible pour un être qui a tout perdu et n’a plus d’espoir. Qu’importe s’il l’a évitée aujourd’hui, il sait qu’elle reviendra le chercher.
    Sans s’en être rendu compte, Touvenel a continué de marcher et se retrouve au centre de la place, à côté de la femme qui a ôté sa guimpe et lui sourit. Un cheval andalou tourne autour d’eux, soulevant la poussière du sol. Sur sa croupe, Yasmina est montée en amazone derrière un jeune homme.
    — Amaury a bien voulu me faire profiter des qualités de son destrier ! lui lance joyeusement la jeune fille.
    Touvenel reconnaît le garçon qu’il a sauvé quelques jours plus tôt des hommes cagoulés de blanc. Il n’arbore plus la mine sombre qui ne l’avait pas quittée lorsqu’il cheminait avec eux. Portant beau dans une tunique de lin bleu brodée d’or, une chemise blanche largement échancrée, des chausses rouges, des bottes en cuir de veau et une bourse décorée, il pourrait passer pour un nobliau des environs. Son air ravi en dit long sur le plaisir qu’il a pris à cavalcader avec Yasmina, et la moue amusée de celle-ci confirme la complicité qui s’est immédiatement établie entre eux.
    — Mon frère Amaury est souvent un peu trop spontané, mais il est sincère et généreux, s’excuse pour lui la femme à la guimpe. J’espère que vous ne verrez pas de mal à ce qu’il ait songé à faire plaisir à votre fille adoptive.
    Touvenel lance un regard surpris à Yasmina. Serait-ce elle qui leur a annoncé cette « filiation » ?
    — Je me nomme Constance, poursuit la femme. Constance de Paunac. J’ai admiré votre comportement tout à l’heure dans l’église. Personne ici n’ose s’opposer au seigneur de Gasquet. Il terrorise tant les gens.
    Touvenel lui sourit sans savoir quoi lui répondre. Il ne peut détacher ses yeux des siens, fasciné par leur couleur de mer gris-vert. Sous ses fins sourcils arqués, son front large, avec son nez fin et ses pommettes hautes, ses lèvres luisantes et finement ourlées, dans le soleil qui l’éclaire à contre-jour et dessine une auréole autour de son visage, elle lui fait l’effet d’une vierge heureuse et épanouie.
    La femme se laisse admirer sans s’en offusquer le moins du monde, consciente de l’intérêt que lui porte le

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