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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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pas dans la haine, mais dans l’amour.
    — De l’amour pour des criminels qui passent les nôtres au fil de l’épée ? s’indigne le jeune homme. Plutôt mourir, l’arme à la main. Dieu m’absoudra, j’en suis sûr !
    — Tu ne rêves que de prendre les armes, ironise sa sœur. Mais sais-tu au moins t’en servir ?
    Au regard interrogatif de Yasmina posé sur lui, Amaury rougit. Pour dissimuler son malaise, il préfère rejoindre son père et l’aider à atteler un cheval à une charrette chargée de rouleaux d’étoffes et de sacs de blé.
    — Monseigneur, déclare Constance en se tournant vers Touvenel, si vous désirez en savoir plus sur notre religion, il y a un débat contradictoire, ce soir, entre catholiques et « bons hommes », à la chapelle du vallon d’Arques, tout près de votre château de Carrère. Cela ne vous créera pas grand dérangement d’y assister. L’évêque d’Osma et frère Dominique y viendront disputer contre mon père et un autre parfait. Serez-vous des nôtres pour les écouter ?
    Touvenel considère un moment Constance, hésitant.
    — Pardonnez-moi, madame, je suis moins amateur de religions depuis que j’ai découvert que je pourrais croire en n’importe laquelle.
    Constance semble déçue. Elle ironise en lui désignant sa croix cousue sur son bliaud.
    — Belle découverte ! Et que vous avez dû faire récemment, si j’en juge par votre costume.
    — Oui, car elle m’a pris du temps. Une croisade déshonorante à Byzance, deux années en Terre sainte et une pour en revenir.
    — Un temps un peu long pour un enseignement aussi court.
    — C’est vrai, mais j’en ai aussi rapporté l’idée qu’il n’est pire usage qu’un homme puisse faire de sa vie que de mourir pour des convictions théologiques.
    — Il ne s’agit pas de mourir, ce soir, seulement de disputer, réplique Constance, d’un ton légèrement dépité.
    Et, comme Touvenel se tait, elle lance :
    — Eh bien, à une autre fois, peut-être !
    Elle se dirige vers la charrette que son frère et son père finissent d’atteler. Du haut du ciel clair retentissent les trilles d’un oiseau. Touvenel lève les yeux pour l’apercevoir. Constance s’est arrêtée, elle aussi, et en a fait autant.
    — Le chant d’une alouette, précise-t-elle en se retournant vers lui. Beau présage pour la journée ! Connaissez-vous la poésie que les troubadours chantent à son sujet ?
    Touvenel fait signe que non. D’une voix empreinte d’une douce sensualité, elle commence, en se balançant légèrement, comme si elle dansait sur place :
    Quand je vois l’alouette mouvoir
    De joie ses ailes à contre-jour,
    Qui s’oublie et se laisse choir
    Pour la douceur qu’au cœur lui va :
    Hélas ! je sens monter l’envie
    Pour ceux que je vois heureux
    C’est merveille qu’à l’instant
    Le cœur de désir me fonde
    Elle s’arrête.
    — Jolis vers, n’est-ce pas ? conclut-elle. Il y en a bien davantage, mais je vous les chanterai une autre fois.
    Elle va s’installer dans la charrette en lançant à Touvenel un regard amusé, tandis que son frère monte sur le cheval pour la conduire et envoie un petit signe de la main à Yasmina qui ne le quitte pas des yeux.

10.
    Au cri perçant venu du fond de la nuit, Yasmina en sueur se retourne sur sa paillasse. Un rayon de lune pénètre par l’étroite fenêtre de la grange où elle a aménagé pour Touvenel et elle une demeure provisoire, avant que Macabret ait le temps de leur établir un logement plus décent. Elle s’aperçoit que le chevalier a disparu. À sa place, son épée et son bliaud blanc, frappé de la croix pourpre. Une frayeur la saisit : serait-il encore allé marcher au hasard dans la forêt, en pleine nuit et sans arme, pour ruminer de nouveau des pensées de mort ?
    Frissonnante, elle se lève. Depuis des mois qu’elle l’accompagne, elle connaît les angoisses nocturnes du croisé. Poussant la lourde porte de la grange, elle l’aperçoit avec soulagement debout dans la nuit, les yeux fixés sur le ciel et sa pléiade d’étoiles. En s’approchant de lui, à un léger mouvement de sa tête, elle devine qu’il l’a sentie venir. Elle sursaute à un nouvel hululement aigu venu des bois du Val.
    — Qu’est-ce que c’est ?
    — Ne crains rien, la rassure Touvenel en passant son bras autour de ses épaules. C’est le cri de la Faramine.
    — Une femme ? interroge Yasmina en frissonnant.
    — Plutôt un

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