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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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glisser sous le filet d’eau qui coule au creux de la ravine. Touvenel, de peur de se faire repérer, ne peut que lui donner la main. Il attend, pour la sortir de sa cachette, que les cagoulards blancs se soient éloignés, toujours escortés de ces cris lugubres.
    — Ceux de l’autre jour ! murmure Touvenel à Yasmina. Les cris de la Faramine, tu as compris ? Ce sont eux. Ils peuvent ainsi se déplacer la nuit, accompagnés de la peur que la bête inspire, sans crainte de se faire repérer.
     
    Avec d’infinies précautions, ils reprennent leur chemin. Pour cacher ses cheveux et son visage, la jeune femme s’est couverte d’un long drap que Touvenel lui a jeté sur les épaules pour la protéger de la fraîcheur de la nuit. Lorsqu’ils parviennent à la chapelle du vallon d’Arques, le débat est entamé depuis longtemps. Guillaume de Gasquet, flanqué du baron Guiraud et entouré de ses hommes d’armes et de quelques autres nobliaux de la région, trône dans le public, au milieu des deux groupes formés par les cathares et les catholiques.
    — Encore ce troubadour ? s’étonne à mi-voix Touvenel, en découvrant derrière Gasquet une silhouette dans la pénombre.
    Il remarque à son côté un moine dont le capuchon rabattu empêche de voir le visage. Une brusque recrudescence du feu jette sur ses traits une lueur qui laisse Touvenel distinguer ceux d’un étranger.
    — As-tu vu ce moine, là-bas ? demande-t-il à voix basse à Yasmina.
    La jeune femme scrute les traits de l’homme, toujours éclairés par les flammes.
    — J’ai vu circuler des marchands qui avaient ces yeux fendus et ces visages de lune lorsque j’étais enfant. Ils venaient des pays lointains où le soleil se lève.
    — Que peut-il bien faire ici, surtout sous l’habit d’un moine ?
    Touvenel continue d’examiner l’assemblée, à la recherche du visage de Constance, tandis que Yasmina scrute de son côté les participants pour y découvrir celui d’Amaury. Le chevalier aperçoit, au milieu du groupe formé par les cathares, Philippe de Paunac en train de discuter avec trois autres hommes en noir, à la mine aussi austère que la sienne.
    — Leur père, tu as vu ? souffle-t-il à l’oreille de Yasmina.
    En face de Philippe de Paunac et des Parfaits, au sein du groupe des catholiques, un vieillard d’allure fragile, coiffé d’une mitre, s’appuie sur un long bâton terminé par une crosse. Bien que visiblement très las, son regard aigu révèle une énergie hors du commun. Il se soutient de son autre main au bras d’un moine d’une trentaine d’années vêtu de blanc, au visage d’enfant vieilli trop vite et au regard clair. Le jeune moine s’adresse à Philippe de Paunac et aux Parfaits qui lui font face.
    — L’évêque d’Osma et moi-même avons longuement parlé. Vous nous avez entendus. Vous-mêmes vous êtes exprimés autant que vous l’avez souhaité. Nous vous avons écouté. Nous avons accepté vos juges. Vous avez accepté les nôtres.
    Il leur désigne quatre moines aux robes et capuchons noirs rabattus sur leurs visages fermés.
    — Nos frères cisterciens se sont à présent consultés et sont d’avis qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre la discussion, mais que nous pouvons en venir tout de suite aux conclusions. En êtes-vous d’avis, vous aussi ?
    Yasmina chuchote à Touvenel en lui désignant les cisterciens :
    — Ces juges-là me font encore plus peur que leurs Parfaits.
    Elle rectifie, à propos du moine vêtu de blanc.
    — Lui, par contre, me paraît plus franc.
    Touvenel ne peut s’empêcher d’ironiser.
    — Dans un monde faux, les hommes qui paraissent francs sont ce qu’il y a de plus trompeur.
    Elle lui lance un regard de reproche.
    — Je n’aime pas ta dérision.
    À nouveau, Touvenel se demande comment doit réagir un père, lorsque son enfant le juge. L’expérience lui semble à la fois nouvelle et bouleversante. Comme il aurait aimé pouvoir en discuter avec Esclarmonde ! Là-bas, Philippe de Paunac finit d’échanger quelques mots avec les Parfaits qui l’entourent, puis se tourne vers le jeune moine.
    — Nous en sommes d’avis, frère Dominique. Nous acceptons, comme vous, d’en venir aux conclusions.
    L’évêque d’Osma, pour montrer qu’il va parler en simple chrétien, ôte sa mitre et la confie avec sa crosse aux moines cisterciens, puis il ferme les yeux et se concentre, les mains jointes. Il inspire profondément l’air

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