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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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vices du genre humain. De gros sourcils noirs devaient ajouter à l’expression déjà dure de ses yeux ; mais ses yeux étaient couverts par d’énormes lunettes vertes, à travers lesquelles perçait l’air de la menace plutôt que de cette encourageante bonté qui, formant l’essence de notre sainte religion, devrait en caractériser les ministres. Rien en lui ne parlait de charité, mais tout annonçait l’enthousiasme et le fanatisme. De longues mèches de cheveux plats, noirs, mais commençant à grisonner, se séparaient sur son front, et retombaient sur son cou en couvrant une partie, de ses joues. Cette coiffure, à laquelle les grâces n’avaient pas présidé, était surmontée d’un énorme chapeau à larges cornes, formant un triangle équilatéral, et enfoncé sur sa tête. Il portait un habit complet d’un drap noir auquel le temps avait donné une couleur de rouille, et des bas de laine assortis à ce costume ; ses souliers n’étaient pas cirés, et ils étaient à demi cachés sous de grandes boucles de cuivre argenté.
    Il s’avança dans la chambre avec un air de dignité, fit une inclination de tête d’un air raide, s’assit sur la chaise que César lui présenta et y resta en silence. Plusieurs minutes se passèrent sans que personne parût disposé à le rompre, Henry éprouvant pour le révérend une répugnance qu’il tâchait inutilement de surmonter, et celui-ci se bornant à faire entendre de temps en temps des soupirs et des gémissements qui semblaient menacer de dissoudre l’union de son âme divine avec l’argile terrestre et grossière qu’elle habitait. Pendant cette scène, qui était bien véritablement une préparation à la mort, M. Wharton, par suite d’un sentiment à peu près semblable à celui de son fils, sortit de la chambre, et emmena Sara avec lui. Le révérend le vit partir avec un air de dédain méprisant, et commença à fredonner l’air d’un psaume avec toute la richesse de l’accent nasal qui distingue la psalmodie des États de l’est de l’Amérique {43} .
    – César, dit miss Peyton, présentez à monsieur quelques rafraîchissements : il doit en avoir besoin après sa course.
    – Ma force n’est pas dans les choses de ce monde, répondit le révérend d’une voix creuse et sépulcrale. Trois fois aujourd’hui j’ai été appelé pour le service de mon maître, et je n’ai pas senti de faiblesse. Il est pourtant vrai que cette chair périssable exige quelque soutien, et l’ouvrier mérite un salaire.
    Ouvrant une énorme paire de mâchoires pour faciliter la sortie d’une chique d’une taille proportionnée, il se versa une bonne rasade de l’eau-de-vie que César lui présentait, et la vida avec une facilité toute mondaine.
    – Je crains, Monsieur, dit miss Peyton, que la fatigue que vous avez éprouvée ne vous permette pas d’accomplir les devoirs dont votre charité vous a engagé à vous charger.
    – Femme, s’écria le révérend avec une énergie foudroyante, quand m’a-t-on jamais vu reculer à l’instant de m’acquitter d’un de mes devoirs ? Ne jugez pas, de peur d’être jugée ! et ne vous imaginez pas qu’il soit donné aux yeux des mortels de pénétrer les intentions de la Divinité.
    – Je ne prétends juger ni les intentions de mes semblables, ni encore moins celles de la Divinité, répondit miss Peyton avec douceur, quoique mécontente du ton que prenait cet étranger.
    – C’est bien, femme, c’est bien, dit le ministre en secouant la tête avec un air d’orgueil et de mépris ; l’humilité convient à ton sexe et à ton état de perdition, car ta faiblesse t’emporte vers ta ruine.
    Surprise d’une conduite si extraordinaire, mais cédant à l’habitude qui nous porte à parler avec respect de tout ce qui tient à la religion, même quand nous ferions mieux de garder le silence, elle répondit encore avec douceur :
    – Il existe une puissance qui peut et qui daigne nous soutenir quand nous l’implorons avec confiance et humilité.
    L’étranger la regarda avec un air de mécontentement, et donnant à ses traits une expression d’humilité, il lui dit d’un ton toujours aussi repoussant :
    – Tous ceux qui crient merci ne seront pas entendus. Il n’appartient pas aux hommes de juger des voies de la Providence, car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Il est plus aisé de parler d’humilité que d’en éprouver une véritable. Vil vermisseau, es-tu

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