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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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qu’il entendait le bruit des cavaliers qui les poursuivaient ; mais Harvey, qui se retournait de temps en temps comme pour lui parler, l’assura que tout était encore tranquille.
    – Mais il est impossible, dit Henry, que César ne soit pas bientôt découvert. Ne vaudrait-il pas mieux, prendre le galop ? Avant qu’ils aient eu le temps de réfléchir sur la cause qui nous fait courir ainsi, nous aurons gagné le coin de ce bois.
    – Vous ne les connaissez guère, capitaine Wharton. Je vois à la porte de la ferme un maudit sergent qui nous suit des yeux comme s’il sentait que nous sommes une proie qui lui échappe. Quand j’ai commencé à prêcher, il me regardait d’un air qui annonçait la méfiance. N’allons qu’au pas, car il met la main sur le pommeau de sa selle, et s’il monte à cheval c’est fait de nous. Nous sommes à portée des mousquets de ce régiment d’infanterie.
    – Que fait-il à présent ? demanda Henry en retenant son cheval par la bride, mais en lui pressant les flancs des talons pour être prêt à se mettre au galop au besoin.
    – Il regarde d’un autre côté ; il s’éloigne de son cheval, nous pouvons prendre le trot. – Pas si vite ! pas si vite ! Voyez comme cette sentinelle en avant de nous nous examine.
    – Et qu’importe ? dit Henry avec impatience, il ne peut que nous tirer un coup de fusil, au lieu que ces dragons peuvent nous faire prisonniers. Harvey, je crois les entendre. Ne voyez-vous rien ?
    – Eh ! eh ! si vraiment, j’aperçois quelque chose derrière ces buissons sur la gauche. Tournez la tête un instant vous pourrez le voir aussi et profiter.
    Henry s’empressa d’user de là permission, et son sang se glaça dans ses veines en voyant un gibet qui avait été préparé pour lui. Il en détourna les yeux avec horreur.
    – Cela vous avertit qu’il faut être prudent, dit Birch avec le ton sentencieux qu’il prenait souvent.
    – C’est véritablement une vue effrayante, dit Henry en se couvrant les yeux d’une main, comme pour écarter une vision épouvantable.
    – Et cependant, capitaine, continua le colporteur en se tournant à demi vers lui et en parlant avec un ton d’amertume sombre mais énergique, vous voyez cet objet d’un lieu où le soleil couchant darde ses derniers rayons sur votre tête ; vous respirez librement l’air frais qui vient de ces montagnes chaque pas que vous faites vous éloigne de ce maudit gibet ; chaque creux de rocher, chaque buisson va dans quelques instants vous offrir un asile assuré contre vos ennemis ; mais moi, capitaine Wharton, j’ai vu la potence élevée sans apercevoir aucun moyen d’y échapper. Deux fois j’ai été jeté dans un cachot, enchaîné, chargé de fers, passant les nuits dans l’agonie du désespoir, et pensant que le jour ne paraîtrait que pour m’amener une mort ignominieuse. La sueur qui me sortait des membres semblait avoir desséché jusqu’à la moelle de mes os. Si je voulais respirer à travers la grille qui permettait à peine à l’air d’entrer dans ma prison, ou voir sourire la nature que Dieu a créée même pour le dernier de ses enfants, une potence était le seul spectacle qui se présentât à mes yeux comme la mauvaise conscience qui tourmente le mourant. Quatre fois j’ai été en leur pouvoir, sans compter celle-ci ; mais deux fois, deux fois j’ai cru que mon heure était arrivée. On a beau dire que mourir n’est rien, capitaine Wharton, la mort ne s’envisage jamais sans terreur, sous quelque forme qu’elle se présente ; mais passer vos derniers moments dans un abandon général sans obtenir de personne un regard de pitié ; penser que dans quelques heures on va vous tirer de ce lieu de ténèbres qui vous devient cher quand vous songez à ce qui va suivre, pour vous conduire en face du grand jour, où tous les yeux seront fixés sur vous comme si vous étiez un animal sauvage, et perdre la vie, en butte aux railleries et aux sarcasmes de vos semblables, voilà, capitaine Wharton, voilà ce que j’appelle mourir.
    Henry l’écoutait avec surprise, car jamais il n’avait entendu le colporteur s’exprimer avec une telle chaleur, et tous deux semblaient avoir oublié en ce moment le danger qu’ils couraient et le déguisement qu’ils portaient.
    – Quoi ! s’écria Henry, avez-vous jamais vu la mort de si près ?
    – Depuis trois ans, répondit Harvey, ne m’a-t-on pas donné la chasse sur ces montagnes

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