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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sol.
    â€” Je l’ai interrogé la semaine dernière, précisa l’enquêteur tout doucement.
    â€” L’homme que vous avez rencontré a célébré mes funérailles et a annoncé mon décès dans les pages de la Montreal Gazette , de façon à ce que plus personne de la communauté juive ne m’adresse la parole. Je suis orpheline.
    D’un autre côté, la famille Laliberté devait tenir cette femme nouvellement baptisée comme suspecte. Les catholiques ne se distinguaient pas toujours par leur ouverture. La manie de la généalogie, pour retrouver les racines les plus lointaines, avait pour conséquence que tous les immigrants arrivés au Canada après 1660 passaient presque pour des nouveaux venus, étrangers à la «race». Armand Laliberté se devait d’être particulièrement attentionné, sinon cette personne se trouverait bien isolée.
    â€” Vous n’entretenez donc plus de relation avec votre père. Qu’en est-il avec votre frère Arden?
    â€” … Nous nous rencontrons parfois. Une solidarité de proscrits, sans doute.
    â€” À quelle fréquence?
    â€” …
    â€” Toutes les semaines? Tous les mois?
    â€” Moins que cela. Tous les deux, trois mois.
    Son hésitation à ce sujet intriguait l’enquêteur. Il enchaîna:
    â€” Vous allez chez lui?
    â€” Ne soyez pas ridicule. Pas avec elle.
    â€” Elle? Ruth? Élise?
    â€” … Les deux.
    â€” Alors, il vient ici?
    Devant l’insistance de l’enquêteur, la jeune femme consentit enfin à se livrer un peu plus après un silence:
    â€” Non, nous allons au restaurant. Il enlève sa kippa, nous parlons français. Nous ressemblons à un couple d’Européens.
    Personne ne nous jette des regards insistants.
    â€” Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois?
    â€” En mai… Non, en juin.
    Farah-Lajoie n’apprendrait plus rien de vraiment utile de cette femme. Alors, autant la soulager de sa présence, afin qu’elle puisse abandonner sa contemplation têtue de la moquette.

    La voisine de Davidowicz, rue Davaar, demeurait toujours aussi attentive à ce qui se passait dans son quartier. À peine le vieux détective s’était-il engagé dans l’allée conduisant à l’entrée qu’un mouvement agita le rideau du salon. Quand la porte s’ouvrit, son index n’avait pas encore atteint le bouton de la sonnette.
    â€” Monsieur Lajoie, vous avez du nouveau?
    â€” Seulement une petite question qui me turlupine. La dame qui est venue à côté, le jour du meurtre, avez-vous remarqué si elle se trouvait enceinte?
    â€” … En tout cas, si elle l’était, ce n’était pas de beaucoup de mois.
    â€” Je ne suis pas un expert en la matière… mais quatre ou cinq, je pense.
    Mentalement, il avait retranché huit semaines au ventre de Myriam Davidowicz.
    â€” Elle portait des vêtements amples. C’est possible, mais je ne saurais l’affirmer.
    â€” Vous m’avez déclaré qu’elle était élancée. Croyez-vous qu’elle m’allait à la bouche?
    â€” J’ai dit qu’elle était aussi grande que vous. Cela signifie cinq pouces plus haut que votre bouche.
    â€” Vous en êtes sûre? Parfois, avec la distance…
    â€” Certaine.
    Cette vieille dame affichait sa certitude. Cependant, l’ex-détective se demandait si elle pouvait apprécier la grandeur d’une personne sans aucun repère pour la mettre en perspective. Ses années d’enquêteur au sein du service de police de Montréal lui avaient enseigné que dix témoins ayant aperçu la même personne fournissaient dix évaluations différentes de sa taille. Néanmoins, pour l’instant, Farah-Lajoie résolut de placer le nom de Myriam Davidowicz un peu plus bas sur la liste de ses suspects. Pendant un moment, elle en avait pris la tête.
    â€” Vous savez s’il y a quelqu’un à côté?
    â€” Le médecin est là et il reçoit des patients. Mais il n’en vient pas beaucoup. Ou ils ont peur de lui maintenant, ou ils sont en vacances.
    â€” Il est seul?
    â€” La femme et le garçon sont absents depuis un bon moment. J’ai appris qu’il possédait un chalet à Sainte-Agathe.
    Lui part les samedis après-midi, pour revenir le

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