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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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pain et de fromage sur la table et le Minervois y lança quelques piécettes pour payer notre repas. Puis nous sortîmes. Dès que nos bêtes furent nourries et abreuvées, et que le coffre de Pernelle fut sanglé, nous nous mîmes en selle. Ugolin se gratta furieusement la nuque, puis les cheveux à deux mains. Il jeta un regard mauvais à l’enseigne qui se balançait doucement dans la brise en grinçant sur ses ferrures.
    —    Il devrait plutôt y peindre des poux, grommela-t-il.
    Sortir de Cahors fut plus compliqué que je ne l’avais anticipé,
    la cité étant déjà barricadée et les sentinelles ayant reçu ordre de ne laisser passer personne.
    —    Vous n’êtes pas au courant ? fit le garde, étonné, quand je lui demandai de nous ouvrir. Les croisés sont en route vers nous. Si vous sortez maintenant, vous courez tout droit à votre mort.
    Désirant couper court aux tergiversations, je descendis de cheval et lui brandis sous le nez le sauf-conduit du comte de Foix.
    —    C’est notre affaire, dis-je sèchement.
    Ugolin vint me rejoindre. Nous dominions l’autre d’une tête et notre air ne laissait aucune équivoque quant à notre humeur. Intimidé, l’homme zieuta le document et je réalisai qu’il ne savait pas lire. Il héla un officier, qui vint nous rejoindre.
    —    Que se passe-t-il ?
    Le soldat lui tendit le sauf-conduit, dont il prit connaissance.
    —    Et après ? fit-il avec mépris.
    Il releva la tête et planta ses yeux dans les miens.
    —    Comte de Foix ou pas, mes ordres sont de ne laisser passer personne. Tu devras attendre comme tout le monde. Allez, ouste !
    —    Je ne crois pas. dis-je.
    Ugolin avait profité de la discussion pour se glisser derrière l’officier. Je lui fis signe de la tête et, avant que l’autre ne sache ce qui lui arrivait, il se retrouva le cou enserré par un des bras gigantesques du Minervois, le souffle coupé et le visage rougissant à vue d’œil. Le bombement exagéré de son ventre m’indiqua qu’il sentait bien la pointe d’une dague à la hauteur de ses reins. Le garde qui l’avait appelé porta une main à son épée, mais pressentant sans doute qu’il ne durerait pas longtemps, se figea dès que j’en fis autant. Je n’entendais pas à rire et cela était évident.
    —    Nous ne te voulons aucun mal, mon ami, mais nous n’avons pas de temps à perdre en balivernes. Nous souhaitons seulement sortir. Alors ouvre cette porte et tout ira bien, ordonnai-je avec un calme qui annonçait la tempête.
    L’officier se raidit, déterminé à résister. Puis une grimace m’indiqua qu’Ugolin avait appuyé un peu plus fort pour le convaincre des mauvais fondements de son attitude.
    Cinq ou six gardes supplémentaires, alertés par la scène, étaient descendus des murailles pour se regrouper autour de nous, n’attendant qu’un mot pour attaquer.
    —    Si tel est votre souhait, vous pouvez bien aller au diable, dit-il. Grand bien vous fasse. Mais ne repassez jamais par Cahors si vous tenez à la vie.
    —    Je n’en ai pas l’intention, rétorquai-je.
    La mâchoire serrée, il donna l’ordre qu’on nous ouvre. Lorsque la porte fut béante, Ugolin le lâcha et le projeta au sol. Aussitôt, une dizaine d’épées furent mises au clair autour de nous, mais je pouvais voir dans leur attitude que, malgré leur nombre supérieur, ils n’avaient guère envie de se frotter à nous. L’officier leva la main pour les retenir. Le Minervois et moi tirâmes nos armes et reculâmes lentement vers nos montures sans quitter des yeux nos agresseurs potentiels.
    Nous nous mîmes en selle sans être inquiétés et nous élançâmes au galop, laissant les gardes dans un nuage de poussière. Nous franchîmes la muraille, traversâmes le pont et filâmes vers le Nord, pareils à des brigands en fuite. En moins d’une heure, Cahors s’était effacée à l’horizon.
    —    J’aurais tout de même préféré partir plus discrètement, remarqua Ugolin. Ils vont nous croire de mèche avec les croisés et partir à nos trousses.
    —    Ne t’en fais pas trop. Tu as vu comme l’officier tenait à garder la muraille étanche, répondis-je. Et puis, un peu plus et les soldats mouillaient leurs braies. Ils ne sortiront pas de là avant que le dernier croisé ne soit passé et nous serons déjà loin.
    L’important était de rester devant les croisés. Guidés par le colosse, nous chevauchâmes plein nord la

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