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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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pile de
parchemins déroulés. Je ne le vis pas lever les yeux. Pourtant, au bout d’un
moment, il dit :
    — Tu
n’as plus besoin de rôder, Gordien. Ton enquête est terminée. Entre. Pas par la
fenêtre. C’est une maison romaine, pas un taudis.
    Je
gagnai la porte d’entrée. Dans la pénombre du corridor, les visages de cire des
ancêtres de Lucius Licinius me regardaient. Ils avaient l’air sinistre mais
satisfait. Je traversai l’atrium, où le parfum de l’encens avait enfin couvert
l’odeur de putréfaction. La lumière de la lune opalescente ruisselait par une
ouverture dans le toit. En levant ma lampe, j’étudiai les lettres SPARTA gravées
sur le sol. Sous la lumière vacillante de ma lampe et à la clarté de la lune,
les lettres grossièrement dessinées semblaient d’or et d’argent, comme si un
dieu les avait tracées avec le doigt en passant.
    Il
n’y avait aucun garde devant la bibliothèque. La porte était ouverte. Crassus
ne se retourna pas et ne leva pas davantage les yeux quand j’entrai. Il se
contenta de m’indiquer du geste la chaise à sa gauche. Au bout d’un moment, il
repoussa les rouleaux et sortit une seconde coupe d’argent. Il la remplit à ras
bord d’un vin qui provenait d’une bouteille de terre cuite.
    — Je
n’ai pas soif, merci, Marcus Crassus.
    — Bois,
dit-il sur un ton qui n’admettait pas de refus.
    Obéissant,
je portai la coupe à mes lèvres. Le vin était corsé. Il me réchauffa le cœur.
    — Du
vin de Falerne, dit Crassus. De la dernière année de la dictature de Sylla. Une
cuvée exceptionnelle. C’était la préférée de Lucius. Il ne restait qu’une
bouteille dans le cellier. Maintenant il n’y en a plus.
    Il
remplit de nouveau sa coupe, puis versa les dernières gouttes dans la mienne.
    Je
bus à petites gorgées, humant le bouquet. Le vin était aussi merveilleux que le
clair de lune.
    — Personne
ne dort cette nuit, dis-je d’une voix calme. Le temps semble s’être arrêté.
    — Le
temps ne s’arrête jamais, dit Crassus avec une certaine amertume dans la voix.
    — Tu
n’es pas content de moi, Marcus Crassus. Et pourtant je n’ai fait que remplir mon
engagement. Si j’en avais fait moins, je n’aurais pas mérité la somme généreuse
que tu m’as promise.
    Il
me regarda de biais. Son expression était impénétrable.
    — Ne
t’inquiète pas, dit-il enfin. Tu auras ton dû. Je ne suis pas devenu l’homme le
plus riche de Rome en abusant de ceux que j’emploie.
    Je
hochai la tête et dégustai à petites gorgées le falerne.
    — Sais-tu,
dit Crassus, pendant un moment, là-bas dans l’arène, quand tu roulais tes yeux
et déclamais ton discours passionné, j’ai vraiment cru – tu ne vas
jamais le croire –, enfin oui, j’ai vraiment cru que tu allais m’accuser,
moi, du meurtre de Lucius.
    — Allons
donc ! répondis-je.
    — Oui,
c’est ce que j’ai cru. Si tu avais eu une telle impudence, je pense que j’aurais
ordonné à un garde de te transpercer le cœur séance tenante. Personne ne m’aurait
critiqué pour ça. J’aurais appelé cela de la légitime défense. Tu avais un
couteau dissimulé sur toi, tu avais l’air d’un fou, tu divaguais comme Cicéron
dans ses mauvais jours.
    — Tu
n’aurais jamais fait une telle chose, Marcus Crassus. Si tu m’avais tué alors
que je venais de formuler une telle accusation, tu aurais fait germer le doute
chez tous ceux qui se trouvaient là.
    — En
es-tu sûr, Gordien ?
    Je
haussai les épaules.
    — De
toute façon, je n’ai jamais formulé une telle accusation.
    — Et
tu n’en as jamais eu l’intention ?
    Je
portai la coupe de falerne à mes lèvres.
    — Pourquoi
s’appesantir sur ce sujet ? Ce que tu croyais ne s’est jamais produit et
le vrai meurtrier a été identifié.
    — Juste
à temps pour éviter une terrible erreur judiciaire, ajouterai-je, même si ce
point t’importe peu.
    Crassus
se racla la gorge. Il n’avait pas été facile pour lui d’annuler le massacre
après avoir excité la curiosité de la foule et réveillé ses instincts
sanguinaires. Même après la découverte de la culpabilité de Fabius, il aurait
volontiers poursuivi la tuerie, sans l’intervention de Gelina. La douce, la
délicate Gelina s’était enfin affirmée. La mâchoire tendue, le regard
impérieux, elle avait exigé que Crassus arrête cette dramatique mascarade.
Mummius s’était joint à elle. Attaqué sur les deux flancs,

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