L'Étreinte de Némésis
soient moins visibles. Il comptait retourner dans l’atrium achever de
graver les lettres et réarranger le corps d’une manière plus convaincante, puis
revenir dans la bibliothèque pour enlever les parchemins accusateurs. Ensuite,
il serait allé les jeter dans la mer ainsi que le manteau, ou il les aurait
brûlés.
« C’est
alors qu’une voix a appelé dans le couloir. Quelqu’un dans la maison avait
apparemment entendu quelque chose ou avait été réveillé par le bruit des pas
des esclaves qui s’enfuyaient. Et cette personne s’était levée pour venir voir
ce qui se passait. Fabius comprit qu’il devait s’enfuir aussitôt pour ne pas
avoir à commettre un second meurtre. J’ignore pourquoi il n’a pas pu se
maîtriser. Il ajuste eu le temps de prendre le manteau et de s’enfuir.
— Mais
tout le monde a dit n’avoir rien entendu cette nuit-là.
— Vraiment ?
dit Crassus d’un ton sardonique. Alors quelqu’un a menti. Qui, à ton avis ?
— Dionysius !
Crassus
hocha la tête.
— Dans
l’atrium, la vieille canaille a trouvé son protecteur, raide mort. Au lieu de
donner l’alarme, il a pris son temps pour examiner la situation et voir quel
profit il pourrait en tirer. Il s’est rendu dans la bibliothèque pour jeter un
rapide coup d’œil. Il a vu les parchemins par terre. Étaient-ils compromettants ?
Il n’avait aucun moyen de le savoir, mais le sang qui les maculait était déjà
un élément suffisamment probant. Il les a emportés dans sa chambre pour les
cacher. Sans doute les a-t-il examinés pendant ses loisirs, pour tenter de les
relier au meurtre.
« Imagine
la panique de Fabius le lendemain : dès qu’il arriva à la villa avec moi,
il se glissa à la première occasion dans la bibliothèque. A sa surprise, les
documents avaient disparu. Pourtant, je peux t’affirmer qu’il ne montrait aucun
signe d’agitation. Quelle parfaite maîtrise ! Rome perd un grand officier !
« Ensuite,
il a dû attendre jusqu’à la nuit de ton arrivée pour descendre à l’abri à
bateau jeter les armes à la mer. Il avait bien essayé les nuits précédentes,
mais en avait toujours été empêché ; soit qu’il ait eu autre chose à
faire, soit qu’il ait été aperçu dans le secteur. En fait, je pense qu’il
hésitait. Mais ton arrivée a tout bouleversé et l’a obligé à prendre ce risque.
Et c’est alors que tu l’as surpris sur la jetée. Te poignarder aurait trop
ressemblé à un second meurtre. Il a préféré essayer de te noyer.
— Il
échoua.
— Oui. Et à partir
de cet instant, m’a dit Fabius, il a compris que tu étais le bras de Némésis [56] .
— Némésis
a plusieurs bras, dis-je, pensant à tous ceux qui avaient permis de démasquer
Faustus Fabius : Mummius et Gelina, Iaia et Olympias, Alexandros et
Apollonius, Eco et Meto, Sergius Orata et le défunt Dionysius, et même Crassus.
Donc c’est Fabius qui s’est glissé plus tard dans la bibliothèque et a nettoyé
le sang de la statue ?
Crassus
acquiesça encore de la tête.
— Mais
pourquoi a-t-il attendu si longtemps ? Avait-il négligé ce détail
jusque-là ?
— Non,
il aurait voulu nettoyer à fond la bibliothèque bien avant, mais j’y
travaillais sans arrêt. Encore une fois, c’est ton arrivée qui a précipité ses
actes ; il devait effacer le plus vite possible les dernières traces.
— Mon
arrivée, dis-je, et la vanité de Dionysius.
— Exactement.
Quand le vieux moulin à paroles s’est vanté au dîner de pouvoir élucider le
meurtre avant toi, il a scellé son propre destin. Je doute qu’il ait soupçonné
Fabius, mais celui-ci n’avait aucun moyen de connaître les déductions du
philosophe. Le lendemain matin, il a profité de la confusion qui régnait dans
la maison à cause des funérailles pour s’introduire dans la chambre de
Dionysius. Et il a ajouté du poison à son breuvage. A propos, tu avais vu juste :
il a utilisé de l’aconit. Il a voulu profiter de l’occasion pour ouvrir le
coffre de Dionysius. Il pensait que les parchemins disparus pouvaient s’y trouver.
Mais la serrure lui a résisté et il a dû quitter la pièce, de peur que
Dionysius ou un esclave ne le surprenne.
— Où
s’est-il procuré le poison ?
— A
Rome. Il a acheté l’aconit chez un marchand de Subure la nuit qui a précédé
notre départ. Il envisageait déjà de faire supprimer Lucius, et il comptait
utiliser un moyen discret. Donc le poison
Weitere Kostenlose Bücher