L'Étreinte de Némésis
longue robe de peintre
contre une stola qui lui permettait de monter à califourchon. Eco faisait
semblant d’admirer le cheval. En fait, il ne quittait pas des yeux la courbe
parfaite des mollets hâlés de la jeune fille, pressés contre les flancs de l’animal.
Après
quelques hésitations, Olympias accepta de nous guider vers Cumes. Quand je lui
dis que nous voulions voir la sibylle, elle eut d’abord l’air effrayé, puis
sceptique. Son trouble m’étonna. J’étais persuadé qu’elle était impliquée dans
le plan obscur visant à m’attirer à Cumes. Pourtant elle parut contrariée par
ma demande. Elle nous attendit, pendant que nous allions chercher des chevaux.
Puis, tous trois, nous nous élançâmes vers Cumes.
— Le
petit Meto m’a dit que tu fais ce trajet tous les jours. N’est-ce pas une
longue chevauchée aller et retour ?
— Je
connais un raccourci, répondit-elle.
Nous
laissâmes derrière nous les deux colonnes à tête de taureau et tournâmes à
droite pour nous engager sur la voie publique. C’était cette même route que
nous avions suivie la veille avec Mummius, quand l’esclave nous avait indiqué l’endroit
où l’on avait découvert la tunique sanglante. Nous continuâmes plein nord. Sur
notre gauche, les collines étaient couvertes d’oliveraies. Il n’y avait pas le
moindre esclave en vue. Après les oliveraies vinrent des vignes, des parcelles
de champs cultivés puis des bois.
— La
terre, autour de la baie, est d’une fertilité remarquable, observai-je.
— Il
n’y a pas que la fertilité qui soit remarquable, répondit Olympias,
énigmatique.
La
route commença à redescendre. Devant nous, à travers les arbres, j’aperçus ce
qui devait être le lac Lucrin, un long lagon séparé de la baie par une étroite
plage.
— C’est
là que Sergius Orata a bâti sa fortune, expliquai-je à Eco. Il élevait des
huîtres qu’il revendait aux riches.
Eco
roula les yeux et haussa les épaules.
La
perspective s’élargit. Devant, je pouvais maintenant voir le tracé de la route,
qui suivait la langue de terre entre le lac et la baie, puis tournait vers l’est.
Elle traversait alors de petites collines avant de redescendre et d’entrer dans
Pouzzoles. Je distinguai les nombreux quais et entrepôts du port. Mais, comme l’avait
dit Faustus Fabius, il y avait peu de gros navires.
Olympias
quitta brusquement la route et s’engagea sur un étroit sentier coupant à
travers des broussailles. Les buissons firent place aux arbres. Puis la piste
déboucha sur une crête dégagée : elle avait tout du rentier de chèvres.
Sur notre gauche, des collines ondulaient. Mais à droite, du côté du lac
Lucrin, la pente était raide. A nos pieds dans la grande plaine autour du lac
campait l’armée privée de Crassus.
Les
tentes parsemaient le rivage. Des panaches de fumée montaient des feux. Des
cavaliers parcouraient la plaine en soulevant des nuages de poussière. Les
soldats manœuvraient en formation de marche ou s’entraînaient au glaive par
groupes de deux. Le choc des armes sur les boucliers résonnait jusqu’à nous.
Une voix caverneuse beugla. Elle était trop indistincte pour être intelligible,
mais facile à reconnaître : Marcus Mummius hurlait ses ordres à un groupe
de soldats impeccablement rangés. Non loin de là, devant la plus grande tente,
Faustus Fabius, reconnaissable à sa chevelure rousse, s’adressait à Crassus,
assis sur un pliant. Le patricien portait sa tenue militaire complète. Son
armure d’argent scintillait sous le soleil. Sa grande cape rouge
resplendissait.
— On
dit qu’il s’apprête à demander au Sénat le commandement des opérations contre
Spartacus, dit Olympias, l’air maussade.
Elle
aussi contemplait le spectacle qui se déroulait plus bas.
— Le
Sénat a ses propres armées, bien sûr, mais leurs rangs ont été dévastés par les
défaites du printemps et de l’été. Alors Crassus lève son armée personnelle. Il
y a six cents hommes autour du lac Lucrin, selon Fabius. Et Crassus disposerait
de cinq fois plus de soldats dans un camp situé près de Rome. Si le Sénat donne
son accord, il lèvera autant d’hommes qu’il voudra. Un homme ne peut se dire
riche tant qu’il ne peut s’offrir sa propre armée, affirme Crassus.
Des
cymbales se mirent à battre. Les soldats commencèrent à se rassembler pour le
déjeuner. Les esclaves se hâtaient autour de marmites bouillantes.
— Tu
reconnais
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