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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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leurs enchantements ; elles peuvent bien en émousser un peu et en tordre la pointe, mais non l’arracher et la supprimer. Ce n’est donc pas à la légère que dès maintenant je décide de l’ensemble, quant aux parties j’en jugerai en les lisant. Adieu.
     
    XVI. – C. PLINE SALUE SON CHER NEPOS.
    Héroïsme d’Arria.
     
    J’ai remarqué, je crois, que parmi les actions et les paroles des hommes et des femmes illustres, les unes ont plus de renommée, les autres plus de vraie grandeur. Je viens d’être confirmé dans cette opinion, par l’entretien que j’eus hier avec Fannia {69} . C’est la petite-fille de cette noble Arria, qui fut pour son mari, condamné à mourir, une consolation et un exemple. Fannia me rapportait de sa grand’mère beaucoup d’autres traits non moins grands que celui-là, mais moins connus ; je pense que vous éprouverez, en les lisant, autant d’admiration, que j’en ai ressenti en les entendant raconter.
    Cecina Petus, mari d’Arria, était malade, son fils aussi, tous deux en danger de mort, à ce qu’il semblait. Le fils mourut ; il était d’une rare beauté, d’une réserve égale, et plus cher encore à ses parents par ses qualités que par le titre de fils. La mère prépara les funérailles et conduisit les obsèques si secrètement que son mari n’en sut rien. Bien plus, chaque fois qu’elle entrait dans sa chambre, elle feignait que son fils vivait et même qu’il se portait mieux ; à son mari qui lui demandait souvent comment allait l’enfant, elle répondait : « Il a bien reposé, il a pris volontiers de la nourriture. » Puis, quand les larmes longtemps contenues l’emportaient et lui échappaient, elle sortait ; alors elle s’abandonnait à sa douleur ; rassasiée de pleurs, elle séchait ses yeux, composait son visage et rentrait, comme si elle eût laissé au dehors son deuil. Il est beau certes de saisir, comme elle, un poignard, de s’en percer la poitrine, de retirer le fer, de le tendre à son mari, avec ces paroles immortelles et presque divines : « Cela ne fait pas mal, Petus. » Mais pourtant dans cet acte, dans ces paroles, elle était soutenue par la perspective de la gloire et de l’immortalité. N’est-il pas plus grand, sans espoir d’immortalité, sans récompense de gloire, de retenir ses larmes, de cacher son deuil, et de soutenir le rôle de mère, après avoir perdu son fils ?
    Scribonianus avait pris les armes en Syrie contre l’empereur Claude ; Petus avait suivi son parti et après la mort de Scribonianus, on le traînait à Rome. On allait l’embarquer ; Arria suppliait les soldats de l’emmener avec lui « Vous devez bien, disait-elle, donner à un homme consulaire quelques modestes esclaves pour le servir à table, l’habiller, le chausser ; je remplirai seule tous ces offices. » Sur leur refus, elle loua une petite barque de pêcheur et suivit le grand navire avec sa frêle embarcation.
    Il est d’elle encore ce mot à la femme de Scribonianus ; celle-ci en présence de l’empereur se décidait à dénoncer les complices : « Moi ! dit Arria, vous écouter ! vous qui avez vu Scribonianus égorgé dans vos bras, et qui vivez ! » Il est clair par là qu’elle ne s’était pas décidée à l’improviste à sa glorieuse mort. Bien plus, comme Thraseas, son gendre, cherchait par ses prières à la dissuader de mourir et lui disait entre autres choses : « Voulez-vous donc que votre fille, si un jour je suis obligé de me donner la mort, se sacrifie avec moi ? » – « Si elle a vécu avec vous, répondit-il, aussi longtemps et dans une aussi parfaite union que moi avec Petus, j’y consens. » Cette réponse avait accru les craintes de sa famille, et on redoublait la surveillance autour d’elle ; elle le comprit et dit : « Vous perdez votre temps, car vous pouvez m’obliger à une mort pénible, mais non pas m’empêcher de mourir. En disant ces mots elle bondit de son siège et se précipita tête baissée contre le mur de la pièce d’un tel élan qu’elle s’écroula. Ranimée, elle déclara : « Je vous avais bien avertis que je trouverais un moyen, quelque dur qu’il fût, de mourir, si vous m’en refusiez un plus facile. » Ces paroles ne vous paraissent-elles pas plus fortes encore que le : « Cela ne fait pas mal, Petus, » auquel elles ont préparé la voie ? Et pourtant celle-ci jouit d’une grande renommée, celles-là ne sont connues nulle part.

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