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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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d’avance cette triste destinée. Il crut se voir dans le sommeil de la nuit étendu sur son lit de travail, dans l’attitude d’un homme qui étudie, ayant devant lui son portefeuille, selon son habitude ; ensuite il vit dans son rêve Néron arriver, s’asseoir sur son divan, sortir le premier livre, déjà publié, sur ses crimes, le lire jusqu’au bout, en faire autant pour le second livre et le troisième, puis se retirer. Fannius en fut effrayé et se figura que ses écrits auraient le même terme que la lecture de l’empereur ; et en effet ce fut le même.
    À ce souvenir j’éprouve une grande pitié pour tant de veilles, tant de peine, dépensées en pure perte. Je songe à ma propre condition mortelle, à mes écrits, et je ne doute pas que la même réflexion ne vous inspire les mêmes alarmes pour les travaux que vous avez encore sur le métier. Ainsi donc, tant que nous jouissons de la vie, tâchons que la mort trouve le moins possible à détruire. Adieu.
     
    VI. – C. PLINE SALUE SON CHER DOMITIUS APOLLINARIS.
    La villa de Pline en Toscane.
     
    Je suis très sensible à votre attention pour moi et à votre inquiétude, qui vous ont poussé, en apprenant que je devais l’été me rendre dans ma villa de Toscane {103} , à me conseiller de n’en rien faire, parce que vous la jugez peu salubre. Il est vrai que le climat est malsain et fiévreux sur la côte de Toscane, qui borde la mer. Mais ma villa en est assez éloignée, et même elle est située au pied de l’Apennin, dont l’air est plus pur que celui d’aucune autre montagne. Du reste, pour vous délivrer de toute crainte à mon sujet, voici quelle est la nature du climat, la situation du pays, l’agrément de la villa ; vous aurez plaisir à lire cette description et moi à vous la faire.
    Le climat y est froid en hiver et il y gèle ; aussi n’admet-il ni les myrtes, ni les oliviers, ni les autres plantes qui aiment une température toujours tiède ; elles y sont proscrites ; le laurier y résiste cependant et se couvre même du feuillage le plus luisant ; s’il y périt quelquefois, ce n’est pas plus souvent qu’aux environs de Rome. L’été y est d’une douceur merveilleuse. Toujours quelque souffle rafraîchissant agite l’air, mais c’est plutôt la brise que le vent. Aussi y a-t-il beaucoup de vieillards ; on peut y voir les grands-pères et les arrière grands-pères d’hommes déjà faits : on peut y entendre de vieux contes et des propos d’ancêtres ; quand on arrive dans ce doux pays, on croit vivre dans un autre siècle.
    Le pays est d’une beauté ravissante. Imaginez une sorte d’amphithéâtre immense, tel que la nature seule peut le créer ; la plaine d’une vaste étendue, est entourée de montagnes, les montagnes sont couronnées de hautes et antiques forêts, le gibier y est abondant et varié. Au-dessous, des bois taillis descendent sur la pente de la montagne. Au milieu se mêlent de gras côteaux formés d’humus profond (car il est difficile d’y trouver le rocher, même si on le cherche), qui ne le cèdent pas en fertilité à la plaine la plus égale, et dont les riches moissons, un peu plus tardives seulement, ne parviennent pas moins à leur pleine maturité. Plus bas, sur tous les versants, s’étendent des vignobles, qui tissent de tous côtés un tapis uniforme ; sur leur bord inférieur, formant comme un liseré au pied de la colline, croissent des bouquets d’arbres. Puis ce sont des prairies et des terres de labour, des terres, que seuls des bœufs robustes et de puissantes charrues peuvent fendre. Les mottes de ce sol compact à l’excès se dressent si énormes, quand on l’ouvre pour la première fois, qu’il faut jusqu’à neuf labours pour les rendre friables. Les prairies, émaillées de fleurs, fournissent du trèfle, et d’autres herbes toujours aussi tendres et aussi fraiches que si c’était le foin nouveau, car toutes sont alimentées par des ruisseaux qui ne tarissent pas. Cependant, malgré l’abondance de l’eau, il n’y a aucun marécage, parce que, grâce à sa pente, la terre écoule dans le Tibre toute l’eau qu’elle reçoit sans pouvoir l’absorber. Ce fleuve traverse la campagne, et comme il est navigable, il transporte à la ville {104} toutes les productions, mais seulement en hiver et au printemps ; en été il baisse tellement que son lit desséché ne mérite plus le nom de grand fleuve ; il le reprend en automne. De la montagne

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