Lettres - Tome I
la vue de toute cette région est pleine de charme. Ce ne sont pas des terres, mais un paysage peint d’une grande beauté que l’on croit regarder ; toute cette variété, cette disposition, récréent les yeux, de quelque côté qu’ils se tournent.
La villa, quoique placée au pied d’une colline, jouit de la même vue que si elle était au sommet ; le côteau s’élève par une pente si douce et si insensible, que, sans avoir eu l’impression que l’on montait, on s’aperçoit qu’on est monté. Par derrière, elle a l’Apennin, mais assez loin ; elle en reçoit même par les jours les plus clairs et les plus calmes, de fraiches brises, qui n’ont rien de violent ni d’excessif, toute leur force s’étant amortie et brisée par leur longue course. Elle est en grande partie exposée au midi, et semble inviter le soleil, en été dès la sixième heure, en hiver bien plus tôt, dans un portique légèrement en saillie, large et long à proportion. Il contient plusieurs pièces et même un atrium à la mode ancienne. Devant le portique un parterre est divisé en plates-bandes par des bordures de buis taillé avec la plus grande fantaisie ; de là descend en pente douce un tapis de verdure, dans lequel le buis dessine des figures d’animaux qui se font vis à vis ; plus bas dans la partie plate se jouent des acanthes souples et je dirais presque ondoyantes. Ce parterre est entouré d’une allée bordée d’arbustes verts, tenus bas et taillés de mille manières. De là part une promenade pour la litière en forme de cirque, qui court autour de massifs de buis aux formes variées et d’arbrisseaux bas que l’on empêche de s’élever. Cet ensemble est enclos d’un mur de pierres sèches, qu’une haie de buis taillée en talus couvre et dérobe à la vue. Ensuite on voit une prairie aussi remarquable par sa beauté naturelle que les objets précédents par les efforts de l’art, puis des champs, et encore des prairies et des bosquets en grand nombre.
À l’extrémité du portique s’avance une salle à manger ; de la porte on voit la fin du parterre et tout de suite les prés et une vaste campagne ; des fenêtres la vue s’étend d’une part sur le côté du parterre et sur la partie de la villa qui fait saillie, de l’autre sur les arbres touffus du manège qui la touche. À peu près en face du milieu du portique, un appartement forme un peu retrait, il entoure une petite cour ombragée de quatre platanes. Au milieu dans un bassin de marbre jaillit une eau qui rafraîchit de sa douce rosée le cercle des platanes et les arbustes qui sont au-dessous. Il y a dans cet appartement une chambre à coucher où ne parviennent ni le jour, ni les voix, ni les bruits, et attenante une salle à manger de tous les jours et pour les amis ; elle a vue d’un côté sur la petite cour dont je viens de parler, de l’autre sur tout ce que l’on voit du portique. Il y a encore une autre chambre qui jouit de la verdure et de l’ombrage d’un des platanes, tout proche ; elle est revêtue de marbre jusqu’à hauteur d’appui ; et, ce qui ne le cède pas à l’agrément du marbre, une peinture représente un feuillage où sont perchés des oiseaux. Une mignonne fontaine, avec son bassin, et tout autour plusieurs petits tuyaux y répandent, un délicieux murmure.
Au coin du portique une vaste pièce fait face à la salle à manger ; les fenêtres donnent les unes sur le parterre, les autres sur la prairie, mais d’abord sur une piscine, qui, dominée par les fenêtres, charme à la fois les oreilles et les yeux ; car l’eau tombe de haut dans un bassin de marbre, blanchissante d’écume. Cette pièce est aussi très tiède en hiver, parce qu’elle est inondée de soleil. Elle touche au calorifère souterrain, qui, si le temps est nuageux, y envoie de la chaleur et supplée au soleil. De là on passe dans le vestiaire des bains, vaste et gai, puis dans la salle du bain froid, où se trouve un bassin large et frais. Si l’on veut un bain plus vaste pour nager ou plus chaud, il y a dans la cour une piscine, et tout près un puits, pour se rafraichir, si la chaleur incommode. À côté du bain chaud est le bain tiède, auquel le soleil dispense généreusement ses rayons, mais moins qu’à la salle des bains chauds, qui forme avancement. Celle-ci a trois baignoires où l’on descend par des marches ; deux reçoivent le soleil ; la troisième est privée de soleil, mais non de lumière.
Weitere Kostenlose Bücher