Lettres
passage deux hautes personnalités. Ch. veut que tu saches qu’il a parlé longuement, fermement et en détail avec le trapu, et que le résultat de cette conversation est tout à fait favorable. Il t’écrira plus tard.
Mon tout beau, j’ai mis le trésor de Montezuma à l’abri. J’ai moi-même, en personne, emballé une à une les statuettes, que j’ai bien comptées et classées selon leur provenance. Ça donne cinquante-sept grandes caisses de bois rien que pour les objets en terre ; la pierre a été transportée à part. J’ai mis de côté les plus précieuses et les plus fragiles, je t’en enverrai la liste exacte dans quelques jours. À mon avis, il vaut mieux tout laisser emballé tel quel jusqu’à ce que tu m’envoies de nouvelles instructions, c’est plus sûr et plus facile à transporter. J’ai juste laissé chez toi les objets en pierre qui étaient dans le jardin, après les avoir comptés, et sous la responsabilité de Mary Eaton. J’ai emporté tes dessins, tes photos, toutes sortes de papyrus, etc., tout est chez moi. Je n’ai laissé à San Ángel que des meubles nus, une maison propre et balayée de fond en comble, un jardin parfaitement soigné, etc. Tu peux donc dormir sur tes deux oreilles. Ils peuvent toujours me tuer, je ne les laisserai pas voler tes affaires. Je souffre horriblement car chacun de ces objets me fait penser à toi, surtout ceux que tu aimes particulièrement : le trésor, le masque à grosses lèvres, et bien d’autres ; mais il faut que je sois forte, je n’ai pas le choix. Je suis contente d’avoir pu t’aider jusqu’à épuisement, bien que je n’aie pas eu l’honneur d’en avoir fait autant pour toi que M lle lrene Bohus et Mme Goddard (94) ! À en croire tes déclarations à la presse, ce sont elles, les héroïnes, les seules à mériter toute ta reconnaissance. Ne va pas croire que je te dis ça par jalousie ou parce que je suis en manque de gloire, je veux juste te rappeler qu’il y a quelqu’un d’autre qui mérite ta reconnaissance, surtout que cette personne n’attend aucune récompense journalistique ou autre… et cette personne est Arturo Arámburo. Il n’est le mari d’aucune « étoile » de renommée mondiale, il n’a pas de « talent artistique », mais il a les couilles bien accrochées et il a fait des pieds et des mains pour t’aider, et non seulement toi mais aussi Cristina et moi, qui nous sommes retrouvées parfaitement seules ; je crois qu’il mérite beaucoup de considération. Les gens comme lui restent toujours dans l’ombre, mais moi je sais qu’ils valent bien mieux que tout ce tapis d’arrivistes dégoûtants mondialement connus et que toutes les jeunes peintres au talent surnaturel, ce talent qui est toujours proportionnel à la température de leur arrière-train. Tu vois ce que je veux dire. Et maintenant plus que jamais, je comprends tes déclarations et « l’insistance » de M lle (?) Bohus à vouloir faire ma connaissance. Je suis absolument ravie de l’avoir envoyée foutre. D’après une lettre très aimable que tu as envoyée à Goodyear, tu l’as invitée à être ton assistante à San Francisco. J’imagine que tout est déjà réglé. Pourvu qu’elle ait le temps de s’initier à l’art de la fresque dans ses moments de loisir, entre les balades à cheval du matin et son « sport » favori : le dressage des vieux libidineux. Quant à Mme Goddard, remercie-la encore et encore pour sa coopération si opportune et magnifique, et surtout pour sa ponctualité et l’heureuse « coïncidence » de ses horaires de vol. Elle doit avoir des dons de voyance, parce Ch. m’assure qu’elle n’est pas partie avec toi et qu’elle n’était absolument pas au courant de ton départ. Si jusqu’au dernier moment elle a fait preuve de méfiance à mon égard et n’a pas jugé bon de me dire certaines choses, en revanche elle a eu le privilège de la confiance absolue, elle doit donc avoir ses raisons. Malheureusement, j’ignorais que j’étais cataloguée parmi les gens suspects et non fiables . Je m’en rends compte un peu tard. C’est la vie !
De toute façon, pour en revenir à ma mission, j’ai essayé de l’accomplir au pied de la lettre.
En matière de pognon :
Sur les 2 000 pesos que tu m’as fait porter par Ch. :
Transport, matériel, emballages, etc. du trésor
400,00
À la secrétaire Leah Brenner
300,00
À « Pulques », avec reçu
Weitere Kostenlose Bücher