Lettres
Pandy n° 2 ?
Ma belle, raconte-moi si la moisson de tableaux a été bonne, comment tu as trouvé le public de Los Angeles : chiant ou pas ?
Dis-moi comment vont Donald, tes parents, ta sœur et les mômes.
Concernant les Arensberg, dis-leur, s’il te plaît, que le tableau de la « naissance (108) » appartient à Kaufmann. Je voudrais qu’ils m’achètent « Moi en train de téter (109) », ça me donnerait un sacré coup de main. Surtout en ce moment, vu que je suis carrément « fauchée ». Si tu en as l’occasion, travaille-les, fais comme si c’était ton idée. Dis-leur que c’est un tableau que j’ai peint en même temps que « la naissance » et que vous l’adorez, toi et Diego. Tu vois lequel c’est, n’est-ce pas ? Celui où je suis avec ma nourrice en train de boire du petit-lait ! Tu te souviens ? Pourvu que tu arrives à les convaincre de me l’acheter, tu n’imagines pas à quel point j’ai besoin de fric. (Dis-leur qu’il vaut 250 dollars.) Je t’envoie une photo pour que tu leur vantes les mérites de cette « œuvre d’art », je compte sur toi, d’accord ? Parle-leur aussi de celui avec « le lit (110) », qui est à New York, ça les intéressera peut-être, c’est celui avec le squelette au-dessus, tu te souviens ? Celui-là, il vaut 300 billets. File-moi un coup de pouce, ma belle, j’ai besoin de fric au plus vite, crois-moi .
Diego travaille beaucoup sur le tableau de Paulette. Jeudi, j’ai connu Paulette, je l’ai trouvée mieux que ce que j’imaginais.
Quand est-ce que tu reviens ? Tu manques du côté de Coyoacán. Écris-moi de temps en temps.
Donne des millions de baisers à Donald et à tes parents de ma part. Passe bien le bonjour aux Homolkas et dis-leur qu’ils devraient venir faire un tour dans les parages. Ne m’oublie pas, ma toute belle, et dis-moi si tu as besoin de quelque chose d’ici.
À quoi tu ressemblais le jour de l’ opening ? Toujours aussi belle ? Raconte-moi des ragots. Et n’oublie pas ce que je t’ai dit à propos des Arensberg.
Diego t’envoie des baisers, et moi tout mon cœur. Bien à toi,
Frida
*
Coyoacán, 17 décembre 1941 (111)
EMMY LUCHA. LETTRE ENVOYÉE CE MATIN PEUR ARRIVE TROP TARD PEUX-TU ME RENDRE ÉNORME SERVICE DIRE ARENSBERG PEINTURE NAISSANCE APPARTIENT KAUFMANN STOP ESSAIE LES CONVAINCRE ACHETER PLUTÔT « MOI ET MA NOURRICE » MÊME TAILLE MÊME PRIX 300 CAR BESOIN FRIC URGENT AVANT 1 er JANVIER S’IL TE PLAÎT FAIS TOUT TON POSSIBLE STOP J’ENVOIE PHOTO FAIS-MOI SAVOIR RÉSULTAT MILLE MERCIS TENDREMENT
FRIDA KAHLO
300 dollars
Lettre à Marte R. Gómez (112)
Coyoacán, 15 mars 1943
M. Marte Gómez
Remis en main propre
Cher ami,
Il y a bien longtemps que je voulais vous parler d’un sujet qui me tient à cœur personnellement, mais qui à mon avis rejoint aussi l’intérêt général. Je vous écris car cela m’est plus facile, pour vous exprimer le fond de ma pensée, que si je m’adressais à vous de vive voix. En outre, cela vous fera perdre moins de temps. Il s’agit de vous demander un conseil d’ami. J’ai l’audace de vous en toucher un mot avant d’en parler à quiconque, car je considère que vous êtes l’un des rares véritables amis de Diego au Mexique et je pense que vous me ferez part de votre opinion franche et sincère.
Il y a déjà bien longtemps que je m’inquiète pour Diego, d’abord à cause de sa santé, car il a constamment des problèmes aux yeux et son état général n’est plus le même qu’avant. Vous avez dû remarquer que pour la fresque qu’il réalise en ce moment même au Palais, il va beaucoup plus lentement. C’est à cause de cette conjonctivite qui l’empêche de travailler avec le même rendement qu’il y a quelques années. Ajoutez à cela les difficultés financières, conséquence de la guerre dont tout le monde souffre à présent mais, dans le cas personnel de Diego, c’est bien plus dur que je ne pouvais l’imaginer. Je suis vraiment désolée que cette crise arrive juste au moment où j’aurais voulu le voir peindre en toute tranquillité, sans se tracasser, car un homme qui a travaillé comme Diego a bien mérité quelques années de sécurité pour faire ce dont il a envie. Ce n’est pas tant le souci d’argent qui me préoccupe, car en travaillant tous les deux nous pouvons arriver à en gagner assez pour joindre les deux bouts. Mais il y a un autre
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