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L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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tout prévu. Le plan est simple. Il fait surveiller le tombeau du magicien par ses gardes, mais, dans le même temps, il les drogue. Ceux-ci s’endorment. D’autres gardes arrivent, font rouler la pierre, enlèvent le cadavre, referment le tombeau. Deux précautions valent mieux qu’une : ayant déposé le corps ailleurs, Caïphe est maintenant certain d’éviter tout culte posthume. Mais les choses ne se passent pas exactement comme prévu car les femmes proches de Yéchoua font rouvrir la tombe, découvrent la disparition et se mettent à délirer en invoquant l’ange Gabriel. Catastrophe, les gardes, honteux, répètent la bêtise à leur tour ! Caïphe, furieux, fait taire tout le monde, en payant ce qu’il faut. Mais la rumeur est lancée… la nouvelle vient jusqu’à moi… je me mets à chercher, Caïphe l’apprend. Pour ne pas attirer les soupçons sur lui, il fait aussi semblant d’enquêter. Ses fouilles chez Yoseph d’Arimathie ne sont qu’une mise en scène qui m’est destinée, un pur écran de fumée.
    Je respirai. L’affaire n’allait pas tarder à se terminer. Caïphe allait bientôt ressortir le cadavre. Peut-être même allait-il s’arranger pour que mes hommes le trouvent… Tout, très rapidement, allait rentrer dans l’ordre. Caïphe, bon stratège, agirait dans les justes délais.
    J’en riais presque. J’étais content d’avoir ici un partenaire comme Caïphe, malin, rusé, efficace, soucieux de la paix, une paix aussi nécessaire pour lui que pour moi. Soulagé, je me versai un verre de vin que je portai en l’air.
    — Je trinque à ta santé, Caïphe. Ce matin, le lion remercie le renard.
    C’est à ce moment-là que j’entendis un grand éclat de voix derrière mes portes. Les battants furent violemment poussés.
    Caïphe, le grand prêtre, apparut, poursuivi par mes vigiles qui pointaient leurs lances contre lui.
    Caïphe, furieux, brandit son doigt vers moi, me lançant d’une voix désespérée :
    — Yéchoua ! Il a réapparu.
    J’éclatai de rire, amusé qu’un Juif puisse avoir un goût du théâtre si prononcé.
    — Naturellement qu’il a réapparu. Je m’y attendais, Caïphe. J’avais cependant imaginé que tu aurais la délicatesse de laisser mes hommes le découvrir à l’endroit où tu l’as caché.
    Il me regarda comme si j’avais parlé le langage des oiseaux.
    — Pilate, tu n’as pas écouté ce que je te dis. Yéchoua est réapparu ! Vivant !
    — Vivant ?
    — Vivant !
    Je regardai sa grande carcasse, plus fragile qu’à l’ordinaire, ses yeux gris pâle, exorbités. Il avait l’air sincère, pire : surpris. Caïphe ne se livrait à aucune de ces contorsions que font généralement les menteurs pour convaincre mais semblait être en proie à un malaise profond.
    — Je te le jure, Pilate, sur Celui-qui-n’a-pas-de-nom, on dit que Yéchoua est revenu des morts. Qu’il parle et vit. En bref, on dit qu’il est ressuscité.
    — Soyons sérieux, ce ne peut être qu’une rumeur.
    — Évidemment.
    — Et d’où vient-elle ?
    — D’une femme.
    — D’une femme ? Heureusement.
    — Oui, c’est moins crédible.
    Sache, mon cher frère, qu’ici, loin de la Rome moderne, à part Claudia Procula, les femmes n’ont ni pouvoir ni importance : elles n’existent que par leur ventre, s’il est fécond, et on ne demande pas à un ventre d’avoir des pensées, des opinions, des sentiments. En Palestine, on n’accorde aucun crédit aux paroles des femmes et l’on ne perçoit dans leurs déclarations éventuelles qu’une équivalence mentale de leurs menstrues.
    — Personne n’y croit encore, dit Caïphe, mais on jase, on s’y intéresse. Il suffirait que d’autres témoignages s’y ajoutent pour que le mouvement se crée. Il faut absolument que nous retrouvions le cadavre, Pilate. Quelqu’un l’a volé intentionnellement pour pouvoir faire croire, aujourd’hui, qu’il est ressuscité.
    Caïphe avait raison : un plan minutieusement préparé, destiné à embrouiller les esprits et à nous entourer de fumées irrationnelles se réalisait.
    — Qui est la femme qui prétend l’avoir vu ? m’écriai-je. Forcément une complice ! À partir d’elle, nous pouvons remonter jusqu’à l’instigateur.
    Un frisson parcourut Caïphe de l’arête du nez à la pointe de la barbe.
    — Qui est-ce ? insistai-je.
    Caïphe hésitait à prononcer le nom puis le lâcha en détournant la tête :
    — Salomé.
    Je

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