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L'expédition

L'expédition

Titel: L'expédition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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cesse et gesticulant pour les faire se hâter. Dans l’obscurité d’une venelle éclata soudain un bringuebalement retentissant d’outils et de seaux renversés. Un gringalet déboula, traversa la rue, bras et jambes en grand désordre, jusqu’à rebondir sourdement contre un volet d’étal. Il virevolta sur un pied, les mains aveugles, trouva la bride de la mule que montait Golairan, l’empoigna, et tout de go conduisit le porteur de feu parmi les veilleurs qui allaient et venaient, fier comme s’il menait la monture d’un prince. Un sifflement voyou retentit dans l’air nocturne. Golairan se dressa sur ses étriers, tendit le cou.
    — Sans doute prévient-on monseigneur d’Alfaro, dit-il, la voix brumeuse.
    — Pourquoi les gens ne viennent-ils pas aux portes ? lui demanda Jourdain. Nous faisons un raffut à fendre les planchers.
    — Ils ont peur, messire, répondit le bonhomme. Nous leur avons dit que vous étiez des guerriers intraitables et que s’ils montraient dehors le moindre bout de nez vous n’auriez aucun scrupule à les saigner comme de vulgaires poulets.
    — Pauvres de nous, soupira Jourdain.
    Il sentit la brise à nouveau vivace, point parfumée, venue du ciel. L’ombre s’ouvrit. Les sabots des chevaux sonnèrent sur de larges dalles luisantes. Au bout de l’aire découverte apparut un portail fermé contre une muraille rébarbative dont les hauteurs se perdaient dans les ténèbres. Tandis que les cavaliers s’assemblaient autour de la torche, les villageois qui les avaient accompagnés se mêlèrent à eux, flattant les bêtes, palpant les cuirs, éprouvant le tranchant des armes qui pendaient aux selles. Ils restèrent ainsi un moment indécis, les uns scrutant le noir, les autres pareils à des enfants captivés par des objets de guerre.
    Alors contre la courbe du rempart un homme svelte sortit de la nuit. Il parut à tous d’une beauté étrangement angélique, vêtu de blanc comme il était, gants et pourpoint, bottes et chausses. Il s’avança le long du mur, arrêta d’un geste Golairan qui venait à lui et pointa pour le chasser un doigt vers la ruelle. Il attendit à la lisière de l’ombre que le bonhomme s’en fût allé avec les veilleurs, puis il s’approcha de la cohue des montures débarrassées à la hâte et chercha qui commandait la troupe. Il toisa Jourdain, le regard vif mais fuyant comme l’eau, sans cesser d’ajuster nerveusement ses gants entre les doigts. Après quoi il tourna les talons, et la main au-dessus de sa tête il fit signe qu’on le suive.
    Les sergents à son train s’en furent le long de la muraille, les uns courbés, l’épée au poing, pareils à des brigands marchant à l’embuscade, d’autres fièrement bombés du torse et la hache accrochée à la nuque, tandis que dans la longue file d’ombres quelques peureux à demi aveugles trébuchaient aux talons de ceux qui allaient devant et les poussaient entre les épaules en grognant des jurons exaspérés. L’homme aux gants bagués mena ces gens jusqu’à une poterne étroite, hésita sur le seuil, se tourna vivement, se hissa sur la pointe des pieds, inquiet que nul ne reste à la traîne. Jourdain, à quelques pas, singeant le geste impérieux qu’il lui avait vu quand il avait chassé Golairan, d’un coup d’index désigna l’ouverture. L’autre s’y glissa de profil pour ne pas salir son ample pourpoint aux aspérités de la pierre. Tous à sa suite pénétrèrent dans un verger immobile et parfumé comme un Éden. À peine s’étaient-ils enfoncés dans ce lieu ceint de tours et de remparts qu’un vacarme d’aboiements, de grincements et de fouaillements forcenés bouleversa la nuit. Presque aussitôt une minuscule créature aux jambes torses sortit du donjon carré vers où l’homme blanc entraînait la troupe et courut à sa rencontre avec une agilité si nerveuse et véloce que tous, ébaubis, s’arrêtèrent en bousculade.
    — Messire Jacques, messire Jacques, haleta le petit être, agitant ses bras courts.
    Il lui bondit sur la poitrine, à son cou s’agrippa comme un enfant épouvanté. C’était un nain. D’Alfaro, sans plus se préoccuper des soldats, se mit à le bercer, à lui baiser les cheveux, à le rassurer de grognements doux. Il parut bientôt n’avoir plus le moindre souci des meurtres où ils allaient. Jourdain resta un moment à l’examiner avec une perplexité de plus en plus impatiente, puis voyant s’éterniser ses mignardises

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