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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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voir.
    — Et ce sont ses hommes qui forment la garnison du
château ? demanda le frère, laissant de côté le passionnant sujet de la
litière de l’Enfant Jésus.
    — Exactement, confirma son convive.
    — Et la garnison assiste-t-elle à l’office ?
    Le père Médous marqua un temps d’hésitation. Il avait été
sur le point de dire un mensonge, mais il se résolut à n’en faire qu’un demi.
    — Certains, oui.
    Le frère Thomas posa sa cuillère de bois et regarda
sévèrement le prêtre, mal à l’aise.
    — Combien sont-ils ? Et combien assistent à la
messe ?
    Médous se montrait de plus en plus nerveux. Tous les prêtres
l’étaient quand des dominicains apparaissaient, car les frères prêcheurs de
saint Dominique étaient les impitoyables soldats de Dieu dans la lutte contre
l’hérésie. Et si ce grand jeune homme rapportait que la population de Castillon
d’Arbizon manquait par trop de piété, il était susceptible de ramener
l’Inquisition et ses instruments de torture dans la ville.
    — Ils sont dix à constituer la garnison, répondit le
maître des lieux. Et tous sont de bons chrétiens. Comme le sont toutes mes
ouailles.
    Son visiteur parut sceptique.
    — Toutes ?
    — Elles font de leur mieux, répondit loyalement le père
Médous, mais…
    À la seconde où il prononça ce « mais », il le
regretta. Aussi, pour dissimuler son hésitation, il se dirigea vers le petit
feu et ajouta une bûche. Le vent s’engouffrait dans la cheminée. De la fumée
reflua en tournoyant à l’intérieur de la pièce exiguë.
    — Le vent du nord, indiqua le prêtre. Il nous amène la
première nuit froide de l’automne. L’hiver n’est plus très loin.
    — « Mais… », aviez-vous commencé à
dire ? rappela le frère, qui avait parfaitement relevé l’hésitation.
    Le curé soupira en revenant à son siège.
    — Il y a une fille. Une hérétique. Dieu merci, elle
n’était pas de Castillon d’Arbizon, s’empressa-t-il de préciser. Seulement elle
est restée ici quand son père est mort. C’est une bégharde.
    — Je ne pensais pas qu’il y avait des béghards
installés si au sud ! s’étonna le dominicain. Les béghards sont des
mendiants [11]  ! Mais pas de simples vagabonds. Oh non, bien
au contraire, ce sont des hérétiques, qui nient l’Église et la nécessité de
travailler. Ils prétendent que, toute chose venant de Dieu, tout devrait
appartenir librement à tous les hommes et toutes les femmes ! Pour se
protéger contre de telles horreurs, comme vous le savez incontestablement,
l’Église brûle les béghards partout où elle en trouve.
    — Ce sont des errants, confirma le prêtre. Mais quand
cette fille s’est arrêtée ici, nous l’avons envoyée à la cour de l’évêque, où
on l’a jugée et reconnue coupable. Maintenant, elle est de retour à Castillon.
    — De retour ici ? s’étonna le frère, apparemment
choqué par cette révélation.
    — Oui, mais pour être brûlée vive ! se hâta
d’expliquer Médous. Elle a été ramenée pour que le bras séculier, les autorités
civiles de la ville, se charge de la brûler. L’évêque veut que la population
assiste à sa mort pour que chacun sache que le mal a été extirpé de son sein.
    Le frère Thomas fronça les sourcils.
    — Vous me dites que cette bégharde a été jugée coupable
d’hérésie, qu’on l’a ramenée ici pour son exécution, mais que l’on n’a pas
encore procédé à celle-ci… Et pourquoi cela ?
    — Elle doit être brûlée demain, se hâta encore une fois
de préciser le curé. Je n’attendais que l’arrivée du père Roubert. C’est un
dominicain comme vous, et c’est lui qui a découvert l’hérésie de la fille.
Cependant, je crains qu’il ne soit tombé malade. Il vient de me faire parvenir
une lettre m’expliquant comment dresser le bûcher…
    Le frère Thomas esquissa une moue dédaigneuse.
    — Tout ce qu’il faut, indiqua-t-il avec mépris, c’est
un tas de bûches, un poteau, du petit bois et un hérétique. En l’occurrence, une hérétique. Que voulez-vous de plus ?
    — Le père Roubert insiste sur le fait qu’il convient de
n’utiliser que de petits fagots et de les faire tenir debout…
    Le prêtre illustra cette requête en tenant ses doigts droit comme
des bâtons d’asperge.
    — Des bottes de verges, m’a-t-il écrit, et toutes
pointant vers le ciel. Elles ne doivent pas être couchées. Il a bien insisté
sur

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