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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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évidente
qu’il n’aurait pas dû la poser, elle lui adressa un petit rictus méprisant.
Mais soudain, se rappelant qu’elle avait en face d’elle un
ecclésiastique – du moins était-ce ce qu’elle croyait encore –, donc
un homme qui ne comprenait pas comment vivaient les gens normaux, elle daigna
apporter un élément de réponse :
    — Ne sais-tu pas que les routes sont dangereuses ?
Il y a des coredors.
    —  Des coredors ?
    —  Des brigands. Ce sont les gens d’ici qui les
appellent coredors. Et puis il y a les routiers, qui sont tout aussi
mauvais.
    Les routiers étaient des soldats démobilisés qui se
formaient en grandes compagnies. Ils arpentaient les routes en quête de
seigneurs susceptibles de les employer. Mais quand ils avaient faim – en
somme, la plupart du temps –, ils prenaient ce qu’ils voulaient par la
force. Certains allaient jusqu’à s’emparer de villes et les tenaient à leur
merci jusqu’à ce qu’on leur paye une rançon. À l’instar des coredors, ils
auraient considéré une fille voyageant seule comme un don envoyé par quelque
démon pour leur plaisir.
    — Combien de temps penses-tu que j’aurais pu
tenir ?
    — Tu aurais pu voyager en compagnie d’autres personnes…
    — C’est ce que nous avons toujours fait, mon père et
moi. Seulement, il était là pour me protéger. Mais moi toute seule…
    Elle haussa les épaules avant de poursuivre :
    — Alors je suis restée à Castillon d’Arbizon. J’ai
travaillé dans une cuisine.
    — Et tu y as mitonné l’hérésie ?
    — C’est vous, les prêtres, qui aimez l’hérésie,
répliqua-t-elle amèrement. Elle vous fournit un prétexte pour brûler quelque
chose.
    — Avant ta condamnation, quel était ton nom ?
    — Geneviève, accepta-t-elle cette fois de répondre.
    — On t’a donné ce nom à cause de la sainte ?
    — J’imagine.
    — Et un jour que Geneviève priait, le diable est venu
souffler ses bougies…
    — Vous, les prêtres, avez toujours plein d’histoires à
raconter, se moqua la prisonnière. Et tu crois ça ? Tu crois vraiment que
le diable a débarqué dans son église et qu’il a soufflé toutes les
bougies ?
    — Probablement.
    — Et pourquoi ne l’a-t-il pas tout simplement tuée,
s’il était le diable ? Souffler des bougies, quel tour pitoyable ! Et
quel démon pathétique, si c’est tout ce dont il est capable !
    Thomas fit mine d’ignorer l’ironie de la jeune fille.
    — On m’a dit que tu étais bégharde.
    — J’ai rencontré des béghards et je les ai appréciés.
    — Ce sont des engeances de démon.
    — Tu en as rencontré toi-même ?
    L’archer anglais n’en avait jamais vu. Il en avait
simplement entendu parler, et la fille sentit son malaise.
    — Si c’est croire que Dieu a tout donné à tout le monde
et qu’il veut que tout le monde partage tout qui fait le béghard, alors, oui,
je suis aussi mauvaise qu’un béghard, mais je n’ai jamais rejoint leur
communauté.
    — Tu dois bien avoir fait quelque chose, pour mériter
les flammes ?
    Elle le scruta. Il y avait peut-être quelque chose dans le
ton de l’homme qui l’incitait à lui faire confiance. Toujours est-il que sa
défiance l’abandonnait peu à peu. Elle ferma les yeux, appuya sa tête contre le
mur. Thomas crut qu’elle allait pleurer. En observant son visage délicat, il se
demanda pourquoi il n’avait pas remarqué instantanément sa beauté, à l’instar
de Robbie. Puis elle rouvrit les yeux et le fixa.
    — Qu’est-il arrivé ici, ce soir ? demanda-t-elle
en ignorant la question de l’homme.
    — Nous avons pris le château.
    — Nous ?
    — Une troupe anglaise.
    Elle le regarda en essayant de déchiffrer l’expression de
son visage. Puis :
    — Donc maintenant les Anglais représentent le pouvoir
civil ?
    Il supposa qu’elle avait appris cette subtilité juridique à
son procès. L’Église ne brûlait pas les hérétiques. Elle se contentait de les
condamner. Ensuite, les pécheurs étaient confiés aux autorités civiles, le bras
séculier, pour procéder à l’exécution de la sentence de mort. De cette manière,
Dieu pouvait dormir tranquille : l’Église gardait toujours les mains
propres et demeurait immaculée, tandis que le diable récupérait une âme dans
son giron.
    — Nous sommes le pouvoir civil, admit Thomas.
    — Alors ce sont les Anglais qui vont me brûler à la
place des Gascons ?
    — Quelqu’un

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