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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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prétendait
que le diable voudrait les sucer et que la douleur que ses mâchoires
m’infligeraient serait pire que tout ce que l’Église pourrait me faire.
    Elle releva ses genoux et resta prostrée un moment. Les
larmes inondaient ses joues.
    — L’Église aime blesser les gens, finit-elle par dire
d’une voix entrecoupée de sanglots. Tu devrais le savoir.
    — Oui, je le sais, répondit-il.
    Un instant, l’envie le prit de soulever les plis de sa robe
de moine pour lui montrer que son corps portait les mêmes cicatrices, les
stigmates du fer rouge qui avait été pressé sur ses jambes pour lui faire
avouer les secrets du Graal. C’était une torture qui ne faisait pas couler de
sang, parce que l’Église n’en avait pas le droit. Mais un bourreau habile
pouvait sans peine faire hurler une victime de douleur sans même entamer sa
chair.
    — Je sais, répéta simplement Thomas, toujours sans
dévoiler ses cicatrices.
    — Alors maudit sois-tu ! lui lança Geneviève,
retrouvant son attitude de défiance. Maudit sois-tu et maudits soient tous ces
maudits prêtres !
    Thomas ramassa sa lanterne et se leva.
    — Je vais aller chercher quelque chose pour te vêtir.
    — Tu as peur de moi, prêtre ? se moqua-t-elle.
    — Peur ?
    Le jeune homme se demanda ce qu’elle entendait par là.
    — De ça, prêtre, précisa-t-elle en lui montrant sa
nudité.
    L’Anglais s’empressa de quitter la cellule. Il referma la porte
sur le rire de la fille, puis, dès qu’il eut tiré les verrous, il s’adossa au
mur, le regard perdu dans le vide. Les yeux de Geneviève, si pleins de feux et
de mystères, continuaient de le hanter. Elle était sale, nue, hirsute, pâle, à
demi morte de faim, hérétique… et irrésistiblement belle. Toutefois, le
lendemain matin il avait une mission inattendue à accomplir. Une mission
divine.
    Le cerveau enfiévré, il remonta vers la cour. Tout était
maintenant tranquille. Castillon d’Arbizon dormait.
    Et Thomas, le bâtard d’un prêtre, se mit à prier.
     
    La tour se trouvait à une journée de cheval à l’est de
Paris, non loin de Soissons. Elle se dressait sur une petite crête au milieu
d’une région boisée. L’endroit était particulièrement isolé. Jadis, la bâtisse
avait été le logis d’un seigneur dont les serfs cultivaient les vallées
flanquant le promontoire. Mais le hobereau était mort sans progéniture, et ses
parents éloignés s’étaient querellés autour de l’héritage. Finalement, si leurs
avocats s’étaient enrichis, la tour s’était lentement désagrégée, les
noisetiers, puis les chênes avaient envahi les champs, et les chouettes avaient
fait leurs nids dans les hautes salles de pierre désormais ouvertes à tous les
vents. Et ainsi les saisons avaient-elles passé. Même les juristes qui
s’étaient affrontés autour de la tour étaient maintenant morts, et le castel
était devenu la propriété d’un duc qui ne l’avait jamais vu et n’aurait pas
envisagé une seconde d’y vivre. Quant aux serfs – ceux qui existaient
encore, en tout cas –, ils travaillaient les terres les plus proches du
village de Melun, où le métayer du duc gérait une ferme.
    Pour les villageois, la tour était hantée. Les nuits
d’hiver, ils prétendaient que des spectres blancs s’y promenaient. On croyait
que des bêtes étranges rôdaient dans ses arbres. Si les enfants avaient l’ordre
de s’en tenir éloignés, les plus téméraires n’hésitaient jamais à s’aventurer
dans ses bois, voire à grimper dans la tour elle-même, qu’ils trouvaient
logiquement vide.
    C’est alors que les étrangers arrivèrent.
    Le lointain duc leur avait donné la permission d’occuper la
gentilhommière. Ils se présentèrent aux locaux comme des métayers, mais ils ne
venaient pas cultiver la terre, ni même exploiter les arbres précieux de la
crête. En réalité, c’étaient des soldats, exactement au nombre de quinze, des
hommes durs, marqués dans leur chair par les guerres contre l’Angleterre. En
plus de leurs cottes de mailles, de leurs arbalètes et de leurs épées, ils
avaient amené des femmes. Or, si ces dernières se rendaient responsables de
nombreux troubles dans le village, personne n’osait se plaindre, car elles se
montraient aussi dures que les hommes… pas autant que leur chef, toutefois.
Grand, mince, au visage horrible tout couturé de cicatrices, celui-ci se
distinguait par son caractère impitoyable et vindicatif.

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