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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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à lui-même. Puis Louis
avait suivi sa route au sein de l’Église alors que Charles empruntait les voies
les plus sombres. Mais, aussi différents qu’ils fussent, il existait entre eux
une certaine confiance. Les secrets qu’ils partageaient étaient bien gardés, et
c’était pour cette raison que le cardinal avait ordonné à sa suite de se tenir
à distance.
    — Comment va ton prisonnier ? demanda le prélat.
    — Il grogne et il pleurniche comme une femme.
    — Mais il travaille ?
    — Oh, ça, pour travailler, il travaille, répondit
Charles d’un air sinistre. Il a trop peur pour s’autoriser la moindre paresse.
    — Il mange ? Il est en bonne santé ?
    — Il mange, il dort et il pilonne sa femme, répondit
l’aîné.
    — Il a une femme ?
    L’idée paraissait choquer le cardinal.
    — Il en a voulu une. Il disait qu’il ne pourrait pas
travailler correctement s’il n’en avait pas une près de lui. Alors je suis allé
lui en chercher une.
    — De quelle sorte ?
    — Une fille d’un bordel de Paris.
    — Une de tes vieilles amies, peut-être ? demanda le
cardinal, maintenant amusé. Mais j’imagine que tu n’étais pas particulièrement
épris de celle-là ?
    — Quand tout sera fini, dit Charles, je leur trancherai
la gorge à tous les deux. Dis-moi simplement quand.
    — Quand il aura accompli son miracle, naturellement.
    Ils suivaient le sentier étroit qui remontait la colline.
Une fois parvenus à la tour, les deux frères mirent pied à terre tandis que
l’escorte du cardinal recevait l’ordre d’attendre dans la cour. Les Bessières
descendirent le petit escalier en colimaçon sous le donjon jusqu’à une lourde
porte fermée par trois épais verrous. Le prêtre regarda son aîné tirer les
pênes.
    — Les gardes ne descendent pas ici ? demanda-t-il.
    — Seulement les deux qui apportent la nourriture et
sortent les seaux. Les autres savent que je leur trancherais la gorge s’ils
aventuraient leur nez là où on ne veut pas les voir.
    — Est-ce qu’ils croient vraiment ça ?
    Charles Bessières fixa son frère d’un air revêche.
    — Toi-même, tu n’en serais pas sûr ? lui
lança-t-il en sortant son couteau de son fourreau.
    Puis, satisfait de sa petite démonstration, il tira le
dernier verrou.
    Le balafré ouvrit la porte et recula brusquement, comme s’il
se méfiait d’une possible agression venant de l’intérieur. Pourtant, l’homme
qui occupait la pièce ne témoigna aucune hostilité. Au contraire, il sembla
pathétiquement content de voir le cardinal et se jeta respectueusement à genoux
devant lui.
    Le caveau de la tour était vaste. De grandes voûtes de
brique soutenaient son plafond, d’où pendaient toute une série de lanternes. La
lueur du jour venait renforcer la lumière fumeuse qu’elles dispensaient. Elle
tombait de trois petites et hautes fenêtres obstruées par d’épais barreaux. Le
prisonnier qui vivait dans cette cellule était un jeune homme aux longs cheveux
blonds, au visage vif et aux yeux malins. Ses joues et son front élevé étaient
barbouillés d’une crasse poussiéreuse qui souillait aussi ses grands doigts
déliés. Il resta à genoux tandis que le cardinal s’approchait.
    — Jeune Gaspard, dit le prélat avec affabilité en
tendant sa main pour que le reclus puisse baiser le lourd anneau qui renfermait
une épine de la couronne du Christ. Il me semble que tu vas bien, jeune
Gaspard. Tu manges de bon cœur, n’est-ce pas ? On me dit que tu dors comme
un bébé, que tu travailles en bon chrétien et… que tu copules comme un
verrat !
    En prononçant ces dernières paroles, le cardinal avait
furtivement regardé la fille rousse assise sur un lit à tréteaux dans un coin
du caveau. Puis il s’éloigna de Gaspard, pénétra plus avant dans la pièce. Sur
trois tables s’étalaient des tonneaux d’argile, des blocs de cire d’abeille,
des piles de lingots et des panoplies de ciseaux, de limes, de foreuses et de
marteaux.
    Revêtue d’une vague robe qui pendait lâchement d’une épaule,
la fille faisait la grimace.
    — Je n’aime pas cet endroit, se plaignit-elle au
cardinal.
    Le religieux braqua brusquement la tête vers elle et la fixa
silencieusement pendant un long moment, puis il se tourna vers son frère.
    — Si elle me parle encore sans ma permission, Charles,
fouette-la.
    — Elle ne peut faire aucun mal, Votre Éminence, dit
Gaspard, encore à genoux.
    — Mais moi si,

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