L'Héritage des Templiers

templier qui avait dévalé la falaise était mort ; il avait reçu une balle en pleine poitrine avant de basculer dans le vide. Le gilet pare-balles en kevlar avait empêché la balle de le blesser, mais il s’était brisé la nuque en tombant. Heureusement, aucun d’eux n’avait ses papiers sur lui ; en revanche, le gilet posait problème. Ce type de matériel dénotait une certaine sophistication. Cela dit, rien ne liait l’homme à l’abbaye. Tous les frères connaissaient la règle : si l’un d’eux était tué à l’extérieur, personne n’irait réclamer son corps. Comme l’homme qui s’était jeté de la Tour ronde à Copenhague, celui qui avait perdu la vie à Rennes-le-Château finirait à la morgue et serait inhumé dans la fosse commune. Mais avant d’en arriver là, la procédure voulait que le maître envoie un prêtre réclamer le corps au nom de l’Église et offrir de procéder à une inhumation selon les rites catholiques sans que l’État ait à verser un centime. Aucune proposition de ce genre n’avait jamais été refusée et cette démarche garantissait au moine des obsèques dignes de ce nom sans éveiller de soupçon.
    Il avait pris son temps avant de quitter Rennes-le-Château, ce qui impliquait une fouille en règle des domiciles de Nelle et Scoville. En vain. D’après ses hommes, Geoffrey portait un sac à dos qu’il avait ensuite rendu à Mark Nelle dans le parking. Il renfermait certainement les deux livres dérobés dans les archives.
    « Où ont-ils pu se rendre à votre avis ? demanda Claridon.
    — Nous ne tarderons pas à le savoir », répondit de Rochefort en désignant l’écran GPS.
    Après avoir interrogé le frère templier blessé qui surveillait Claridon devant la maison de Lars Nelle, de Rochefort avait appris que Geoffrey n’avait pas dit grand-chose, trouvant sans doute suspectes les motivations de Claridon. Il avait fait une erreur en l’envoyant chez Nelle. « Vous m’aviez assuré pouvoir trouver ces livres.
    — Pourquoi en avons-nous besoin ? Nous possédons le journal. Nous devrions analyser les informations dont nous disposons déjà. »
    Peut-être, mais le fait que Mark Nelle ait choisi précisément ces deux ouvrages parmi les milliers de volumes archivés dans la bibliothèque l’obnubilait.
    « Et s’ils contenaient des informations inédites ? demanda de Rochefort.
    — Savez-vous sur combien de versions d’une information donnée je suis tombé ? L’histoire de Rennes-le-Château tout entière est une suite d’informations contradictoires. Laissez-moi fureter dans vos archives. Dites-moi ce que vous savez, et voyons où cela peut nous mener. »
    Bonne idée, mais malheureusement, contrairement à ce qu’il avait fait croire à la confrérie, il ne savait pratiquement rien. Il comptait sur le message laissé par le maître à son successeur et dans lequel les informations les plus précieuses étaient transmises, comme du temps de Jacques de Molay. « Vous aurez bientôt l’occasion de le faire. Mais avant tout, nous devons nous occuper d’eux. »
    Il repensa aux deux frères templiers qui avaient été tués. La confrérie verrait leur décès comme un mauvais présage. Cette société religieuse où régnait une discipline de fer était incroyablement superstitieuse. En outre, les morts violentes étaient rares ; pourtant, il venait de s’en produire deux en l’espace de quelques jours. Sa gestion de l’ordre risquait d’être remise en cause désormais. « Trop, trop vite », lui reprocherait-on. Et il serait forcé d’écouter toutes les objections qui lui seraient faites puisqu’il avait ouvertement rejeté la manière de procéder du défunt maître, en partie parce que cet homme ne tenait aucun cas des souhaits de la congrégation.
    Il demanda au chauffeur d’interpréter les informations affichées sur l’écran. « Quelle distance nous sépare de leur véhicule ?
    — Douze kilomètres. »
    Il admira la campagne par la vitre. Autrefois, il aurait été impensable de voir un coin de ciel sans qu’une tour se dessine à l’horizon. Au XII e siècle, plus d’un tiers des propriétés des Templiers se trouvaient sur ces terres. Le Languedoc aurait dû devenir un État templier. Les chroniques faisaient état de ce projet, expliquaient comment les forteresses, les avant-postes, les entrepôts, les fermes et les monastères avaient été placés à des endroits stratégiques et étaient tous