L'Héritage des Templiers
Promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que tous les jours de votre vie vous vivrez chastement de votre corps ? Promettez-vous à Dieu et à Notre-Dame Sainte Marie que vous, tous les jours de votre vie, vivrez sans rien en propre ? Promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous tiendrez, tous les jours de votre vie, les bons usages et les bonnes coutumes de notre maison ? Promettez-vous à Dieu et à Madame Sainte Marie que vous ne laisserez jamais cet ordre pour plus fort ni pour plus faible, ni pour pire ni pour meilleur ? »
On prononçait les mêmes paroles depuis le commencement et de Rochefort se rappelait les avoir entendues trente ans plus tôt. Il sentait toujours en lui la flamme allumée alors et qui le consumait à présent. Être templier comptait beaucoup pour lui. Cela n’était pas anodin. Aussi tenait-il à s’assurer que les recrues qui revêtiraient la robe au cours de son mandat prendraient bien la mesure de ce dévouement.
« Voulez-vous être, tous les jours de votre vie, serf et esclave de la maison ? demanda-t-il au jeune homme agenouillé devant lui.
— Oui, s’il plaît à Dieu, sire.
— Vous comprenez que vous aurez peut-être à faire le sacrifice suprême ? » Après les événements de ces derniers jours, cette requête semblait encore plus importante.
« Absolument.
— Et pourquoi donneriez-vous votre vie pour nous ?
— Parce que mon maître me l’aurait ordonné. »
Bonne réponse.
« Le feriez-vous sans défier l’autorité du maître ?
— Le défier équivaudrait à violer la règle. J’ai pour devoir d’obéir. »
De Rochefort fit signe au frère drapier, qui tira d’une malle une longue pièce d’étoffe.
« Levez-vous », ordonna-t-il à la jeune recrue habillée d’une robe noire en drap de laine qui dissimulait entièrement son corps mince.
« Ôtez votre robe. » On l’aida à la retirer. Il portait une chemise blanche et un pantalon noir, pas de chaussures.
Le drapier approcha avec la pièce d’étoffe et se plaça de côté.
« Vous avez ôté le linceul du monde matériel, expliqua de Rochefort. Nous vous accueillons avec le manteau de l’ordre et nous célébrons votre renaissance en tant que membre de notre confrérie. »
À son geste, le drapier approcha et ceignit les épaules du jeune homme avec l’étoffe. De Rochefort avait vu plus d’un homme pleurer à cet instant. Il avait dû lui-même réprimer son émotion à l’occasion de son intégration. Personne ne savait de quand datait cette pièce d’étoffe-là, mais cette même malle en renfermait une depuis le commencement de l’ordre. Il connaissait bien la légende de l’un des suaires les plus anciens. On en avait enveloppé Jacques de Molay après qu’il eut été crucifié à une porte du Temple, à Paris. Le maître était resté ainsi deux jours sans pouvoir bouger à cause de ses blessures, trop faible pour même se lever. Les bactéries et le liquide lymphatique avaient imprégné les fibres et généré une image que, cinquante ans plus tard, des chrétiens crédules s’étaient mis à vénérer comme celle du Christ.
Il avait toujours trouvé cela ironique.
Le maître des chevaliers du Temple, commandeur d’un ordre prétendument hérétique, avait servi de modèle à toutes les représentations du Christ.
« Vous avez devant vous notre dernière recrue. Il est ceint du drap synonyme de renaissance. C’est un moment que nous avons tous vécu, moment qui nous lie les uns aux autres. Lorsque j’ai été élu maître de la confrérie, je vous ai promis une ère nouvelle, un ordre nouveau, de vous emmener dans une nouvelle direction. Jamais plus le savoir ne sera réservé à un nombre restreint, mais au contraire accessible au plus grand nombre. Je vous ai promis de découvrir le legs des Templiers. À l’heure où je vous parle, expliqua-t-il en s’avançant vers les moines, un homme dont le savoir nous est précieux étudie nos archives. Malheureusement, pendant que mon prédécesseur restait oisif, des personnes extérieures à notre ordre se sont elles aussi mises en quête du legs des Templiers. J’ai personnellement gardé un œil sur leurs progrès, surveillé et étudié leurs faits et gestes en attendant le moment de nous lancer nous aussi dans cette quête. L’heure est venue, s’écria-t-il après une pause. Deux de nos frères poursuivent leurs recherches à l’extérieur de l’abbaye en ce moment
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