L'histoire secrète des dalaï-lamas
qui avait pour effet d’établir un équilibre des souffles d’énergie et d’apporter une grande clarté dans l’esprit. Contrairement aux apparences, il n’y a jamais de fin à l’existence. L’ami de Tenzin Choedrak avait décidé du moment de sa mort, et arrêté son cœur, ce que peuvent faire tous les tulkus, y compris le dalaï-lama. Des Tibétains qui lui rendaient régulièrement visite pour lui faire des offrandes trouvèrent son sac de moine accroché à la branche d’un arbre dénudé, bien en contrebas de sa grotte. Il contenait quatre billets de cinq roupies, l’équivalent de cinquante centimes d’euros, et un papier de toilette froissé, sur lequel l’ermite avait écrit ces quelques mots : « Pour les lamas de mon monastère [135] . »
S’il est vrai que des Tibétains peuvent résister à des températures très basses, le contraire est vrai, aussi. C’est le cas de l’actuel dalaï-lama. Nous sommes aux États-Unis dans les années 1980, en plein désert de l’Arizona. Un chef Navajo invite Tenzin Gyatso à le rejoindre dans la hutte à sudation, portée intentionnellement à une température très élevée. Le dalaï-lama s’installe dans la hutte, en position du lotus. Aussitôt, il entre en méditation et contrôle parfaitement la situation : pas une goutte de sueur ne perle sur son front. Mais, à peine sorti de la hutte, Tenzin Gyatso libère les vannes : l’eau coule alors de tous les pores de son corps.
Là encore, les lamas tibétains s’accordent à conclure que tout repose sur le pouvoir créatif de notre esprit. Si nous en prenons conscience, nous ne serons plus prisonniers de l’illusion. Ces enseignements sont contenus dans le Tantra du Kalachakra.
Et bien plus encore...
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Renaissances
Dans la cosmographie bouddhiste et hindouiste, lamas et brahmanes interprètent le monde comme un univers soigneusement hiérarchisé. Leur savoir repose sur l’astronomie, patiemment étudiée depuis les origines, notamment dans le temps autre du Tantra du Kalachakra : à partir de la cartographie des deux visibles, elle présuppose aussi l’existence de systèmes invisibles ou non encore étudiés ; et elle estime que les deux sont le symbole des puissances supérieures à l’homme, les unes protectrices et bénéfiques, les autres courroucées et maléfiques. Mircea Eliade, un des fondateurs de l’histoire des religions, explique que le seul fait d’être en-haut se traduit, au sens spirituel du mot, par être le tout-puissant : « La transcendance divine, dit-il, se révèle directement dans l’inaccessibilité, l’infinité, l’éternité et la force créatrice du ciel (la pluie). Le mode d’être céleste est une hiérophanie inépuisable. Par suite, tout ce qui se passe dans les espaces sidéraux et dans les régions supérieures de l’atmosphère – la révolution rythmique des astres, la poursuite des nuages, les tempêtes, la foudre, les météores, l’arc-en-ciel – sont des moments de cette même hiérophanie [184] . » Au centre du cosmos, le mont Mérou est entouré d’océans et de montagnes, à leur tour encerclés par les continents. Au-dessous sont les enfers, lieux d’expiation, et au-dessus les différents cieux habités par les dieux.
Les mondes invisibles des dieux sont donc soigneusement ordonnés. Les cieux des sens de Brahma sont à l’étage supérieur, couronnés par le ciel appelé Suprême, porte ouverte sur le nirvana [*] , la perfection divine ou le suprême apaisement. Dans les textes tantriques, et donc dans le Tantra du Kalachakra, le nirvana s’oppose au samsara : le premier « est lumineux et libre de toute construction mentale, débarrassé de la souillure de l’attachement et des autres passions... Son essence est suprême. Rien ne lui est extérieur... Rien d’autre que lui n’existe pour ceux qui, désirant la libération, souhaitent voir disparaître l’infini des douleurs et obtenir le bonheur de l’illumination... », tandis que, le second, « c’est l’esprit affligé et obscurci par d’innombrables constructions mentales, vacillant tel l’éclair dans la tempête et recouvert par la souillure tenace de l’attachement et des autres passions [185] . » Enfin, la notion d’un dieu créateur est absente de la plupart des traditions bouddhistes. Ni Brahma dans l’hindouisme, ni le Bouddha dans le bouddhisme ne sont perçus comme le créateur de l’univers avec les attributs du dieu, et ils sont
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