L'histoire secrète des dalaï-lamas
devient l’homme providentiel du RAW – Research & Analysis Wing –, services secrets indiens créés en 1968 et devenus, en l’espace de trois ans, redoutables d’efficacité.
Les années passant, les tensions seront loin de s’apaiser. Car il est aussi question, dans cette histoire de la résistance, d’énormes sommes d’argent versées par la CIA à l’administration tibétaine. Jim Mann, correspondant à Pékin entre 1984 et 1987, assurera ainsi dans le Los Angeles Times , que le gouvernement du Tibet en exil aurait reçu dans les années I960 la somme colossale de 1,7 million de dollars. Les autorités tibétaines confirmeront ce versement, mais démentiront que, de son côté, le dalaï-lama aurait personnellement touché une « rente annuelle de 180 000 dollars », de la part de la CIA comme d’aucuns le prétendront.
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Crimes et châtiments
Alors que le dalaï-lama fuit Lhassa en mars 1959 et installe son gouvernement en exil à Dharamsala, dans l’État indien de l’Himachal Pradesh, le seizième karmapa est sollicité par le Chogyal, maharaja [*] du Sikkim. Rappelant les liens qui unissent, depuis plusieurs siècles déjà, la famille royale du Sikkim – où le bouddhisme tibétain est religion officielle – et les kagyupas, Tashi Namgyal propose à Rangjung Rigpé Dordjé plusieurs sites susceptibles de recevoir le siège de son école à la place du monastère de Tsurphu qu’il vient d’abandonner aux communistes. Quelques-uns de ses proches ont déjà gagné le Bhoutan, et l’y attendent. La caravane de cent soixante hommes a emporté des statues de grande valeur, des objets rituels, des reliques, des textes sacrés, des thankas, des sacs d’or, des pierres précieuses et de la monnaie tibétaine et indienne.
Rangjung Rigpé Dordjé passe quelque temps en Inde, rejoignant un temps le dalaï-lama, installé par Nehru à Dharamsala. Le choix du karmapa s’arrête finalement sur Rumtek. À l’époque de sa neuvième réincarnation, sous le nom de Wangchuk Dordjé [459] , un monastère y avait été construit. Ce lieu, le seizième karmapa s’en souvient parfaitement : sept torrents jaillissent de la montagne en sa direction ; en face de la résidence, il peut apercevoir sept monts ; la rivière qui serpente dans la vallée a la forme d’une conque, comme celle dont avait rêvé la mère du neuvième karmapa encore enceinte.
Le seizième karmapa est, lui, né en 1924. Au moment de l’accouchement, des arcs-en-ciel sont apparus : une des extrémités touchait le campement où se trouvait sa mère ; l’autre le palais familial : Rangjung Rigpé Dordjé fait donc partie de la noblesse tibétaine, une famille très appréciée dans la province du Kham.
Le seizième karmapa est mort des suites d’un cancer à l’hôpital de Zion, dans l’Illinois, près de Chicago, le 5 novembre 1981. Or, trente-six heures après le décès du maître, le processus normal de décomposition n’était toujours pas commencé. Il n’y eut là « aucune explication médicale [460] », les lamas, présents à son chevet, précisant : « Certains maîtres et pratiquants meurent dans la position du méditant assis, d’autres adoptent la “posture du lion couché”. Outre leur maintien parfait, d’autres signes indiquent qu’ils reposent dans l’état de Luminosité fondamentale : leur visage conserve de la couleur et un certain éclat, leurs narines ne sont pas pincées, leur peau demeure douce et souple, leur corps ne devient pas rigide, leurs yeux gardent une lueur de bonté et de compassion. On prend grand soin que le corps du maître ne soit pas touché, et le silence est maintenu tant qu’il – ou elle – n’a pas quitté son état de méditation [461] . »
Querelles pour un coeur
Le corps du karmapa est rapatrié au Sikkim et, deux semaines plus tard, le 19 ou le 20 novembre 1981, les cérémonies de crémation ont lieu à Rumtek, siège de l’école Kagyu, en présence de tous ceux sur qui repose la survie de l’institution. Nous savons que les karmapas rédigent une lettre testamentaire. Ce que nous ne savons pas toujours, c’est qu’elle est porteuse de nombreux renseignements sur les conditions d’apparition de leurs réincarnations. Le premier karmapa Dusum Khyenpa certifia ainsi avoir quatre émanations manifestant son corps, sa parole, son esprit, sa qualité et son activité. Le deuxième karmapa Karma Pakshi [462] écrivit qu’il renaîtrait en
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